Le chercheur français Mathieu Rigouste a affirmé samedi que les manifestations du 11 Décembre 1960, «un épisode fascinant de la lutte d’un peuple», méritent d’être «mieux» connues dans le monde entier.
«Cet épisode fascinant de la lutte d'un peuple opprimé pour sa libération mérite d'être mieux connu dans le monde entier. Je voudrais mettre à disposition, des archives et des sources, un travail d'enquête, d'analyse et de synthèse dans l'idée de nourrir nos mémoires collectives mais aussi de fournir des outils à toutes les luttes pour l'émancipation», a expliqué dans un entretien à l’APS le chercheur qui vient de lancer un projet «Un site, un film et un livre» sur ces événements.
Pour lui, ces événements historiques ne marquent pas la fin de la guerre de libération ni du colonialisme, «mais une séquence décisive» (...) où «des soulèvements populaires, auto-organisés dans la spontanéité, ont permis de faire tomber le premier projet néocolonial gaulliste ainsi que les plans de putsch et d'apartheid militaire des colons ultras».
«Ils ont aussi démontré à l'ensemble des observateurs étrangers qu'un peuple algérien s'était reconnu et qu'il était prêt à tout pour obtenir son indépendance», a souligné ce chercheur indépendant en sciences sociales et militant anti-sécuritaire.
Etablissant le lien avec les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, Mathieu Rigouste a indiqué que Maurice Papon (préfet), la préfecture, la police et les administrations parisiennes ont importé des théories, des personnels et des méthodes formées par et pour la « guerre antisubversive ». Ils les ont ré-agencées pour les appliquer aux Algériens à Paris. Ils leur ont ainsi mené une forme de guerre policière dérivée de la doctrine de guerre (contre) révolutionnaire mise en œuvre industriellement en Algérie».
«Papon, expert en contre-insurrection et en crime d'Etat en général, a fait déployer le 17 octobre 1961 un système de dispositifs policiers inspiré des plans de Défense Intérieur du Territoire (DIT) et dérivés des féroces de répression militaro-policières des manifestations de décembre 1960», a affirmé ce chercheur qui qualifie les manifestations du 11 décembre 1960 de «Dien-Bien-Phu politique» de la guerre de libération nationale.
Sur la question mémorielle entre la France et l’Algérie qui reste non encore assumée par la France, Mathieu Rigouste a considéré que l'Etat français «reste l'appareil d'une puissance impérialiste qui conserve des territoires coloniaux à l'extérieur et à l'intérieur de ses frontières nationales, dont l'armée est engagée dans des opérations néocoloniales en Afrique et en Orient et qui continue de prendre part au pillage du Sud global».
«Il n'a aucune raison de fissurer lui-même l'édifice de silence et de mystifications qu'il s'évertue à bâtir depuis si longtemps pour masquer ses crimes», a-t-il soutenu, soulignant en substance que «lorsqu'un Etat impérialiste reconnaît, souvent à demi-mots, la partie émergée des carnages dont il a pu se rendre responsable».