La mort d'une étudiante marocaine tuée mardi dernier par les tirs de la Marine marocaine alors qu'elle se trouvait à bord d'une embarcation clandestine en route pour l'Espagne a révélé au grand jour l'échec de la politique mise en oeuvre par l'Europe pour juguler cette crise qui ne cesse de prendre de l'ampleur.
Alors que la plupart des migrants tentent de fuir la pauvreté et les conflits, en traversant la Méditerranée à leurs risques et périls, les Etats européens envisagent de fortifier le vieux continent en renforçant les effectifs des gardes-frontières et demandent aux pays de l'Afrique du Nord de créer des centres de rétention avec une promesse d'"aide financière".
Réunis le 20 septembre, à Salzbourg, en Autriche, les dirigeants de l'UE avaient annoncé, en effet, le renforcement de l'Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes (Frontex) en portant son effectif de 2800 à 10 000 personnes, ajoutant que des négociations seront menées en vue d'impliquer les pays de l'Afrique du Nord dans la gestion des flux des migrants.
Pour "résoudre" la crise migratoire, les pays de l'UE veulent forcer la main aux pays de la rive sud de la Méditerranée et d'accepter l'installation sur leurs territoires des centre de rétention des migrants en contrepartie d'aide financière.
Les dirigeants européens veulent ainsi reproduire l’expérience vécue avec la Turquie, qui avait accepté en 2016, une aide financière en échange d'une coopération visant à réduire les flux migratoires transitant par le territoire turc pour rejoindre l'Europe.
Affirmant qu’il n’existe pas de "solution miracle" à la question migratoire, les dirigeants des pays de l'UE ne semblent pas bien mesurer l'ampleur de cette crise, soulignent des observateurs et dirigeants de pays africains, qui ont alerté à maintes reprises sur la détresse des migrants.
D'autres intervenants s’interrogent sur la faisabilité de la "solution" proposée aux Etats africains pour résoudre une telle crise, alors que les pays européens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la répartition de quelques dizaines de migrants débarquant sur les côtes sud du continent.
Le récent cas du navire humanitaire l'Aquarius qui avait été bloqué pendant plusieurs jours dans les eaux internationales en raison du refus de l'accueillir par l'Italie et Malte à démontrer la division qui mine l'Europe sur cette question.
Pour éviter un autre drame, l'Allemagne, le Portugal, la France et l'Espagne ont du s'entendre après d'intenses tractations pour accueillir les 58 migrants qui étaient à bord.
Les pays africains de plus en plus confortés dans leur position
Ces désaccords sur l'accueil de ces quelques migrants clandestins, fuyant la pauvreté et les conflits, ont mis à nu l'incapacité de l’UE à faire face à cette problématique, regrettent des observateurs et Organisations internationaux.
Ceci vient aussi conforter la position exprimée par des pays africains ayant opposé une fin de non-recevoir à la proposition européenne de bloquer sur leurs territoires les groupes de migrants en quête d'arriver sur la rive nord de la méditerranée.
En effet, l’Algérie, la Tunisie et la Libye ont rejeté cette "solution" européenne à la crise migratoire, la considérant comme une "fuite en avant".
"Il est exclu que l’Algérie ouvre une quelconque zone de rétention. Nous sommes déjà confrontés aux mêmes problèmes. Nous procédons à des reconductions, mais nous le faisons selon des arrangements que nous avons avec les pays voisins", avait déclaré à ce propos le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel.
Le chef de la Diplomatie algérienne avait souligné que "l’Algérie traite avec rigueur et beaucoup de délicatesse le dossier de la migration clandestine".
"Nous n’avons ni les capacités, ni les moyens d’organiser ces centres de rétention. Nous souffrons déjà beaucoup de ce qui se passe en Libye, qui a d’ailleurs été l’effet d’une action européenne", a affirmé de son côté l’ambassadeur tunisien auprès de l’UE, Tahar Chérif.
La Libye, qui souffre le plus de ce phénomène de migration clandestine, s’est opposée aussi à l’installation de centres de rétention sur son sol, comme le souhaitaient les pays de l’UE.
Le chef du gouvernement libyen d’union nationale, Fayez Al-Sarraj, avait, pour sa part, déclaré que "son pays est absolument contre le fait que l’Europe veuille tout à fait officiellement installer en Libye les migrants illégaux dont on ne veut pas dans l’Union européenne".
D’autres dirigeants d’Etats africains n’ont pas aussi apprécié le projet de création de ces centres, exprimant leur étonnement au fait qu’en l’Europe "plus personne ne veuille recevoir de migrants, mais demande aux autres pays d’en accueillir des centaines de milliers sur leurs territoires".
Dans ce sillage, le président du Niger, Mahamadou Issoufou avait réclamé, à partir de Berlin, où il avait été reçu par la chancelière allemande, à ce que l’Europe trouve une solution appropriée, notamment au conflit libyen pour arrêter les arrivées de migrants sur les côtes nord de la Méditerranée.
"Si l’Europe veut arrêter les arrivées de bateaux migrants sur ses côtes depuis l’Afrique, elle doit d'abord mettre fin à l’état de chaos qui règne en Libye", avait plaidé le président Issoufou.
Les pays africains ont appelé, en outre, l’Europe à concrétiser ses engagements avec l’Afrique en matière de développement et coopération économique afin de maintenir les populations et de les dissuader de s'aventurer dans des traversées illégales.