Festival du film de Berlin : un cinéaste Palestinien « revisite » le système carcéral Israélien

En reconstituant devant sa caméra un centre d'interrogatoire Israélien, le réalisateur Raed Andoni fait revivre à d'ex-prisonniers Palestiniens leur détention pour les aider à surmonter leur trauma. 

Présenté en avant-première au festival du film de Berlin, « Istiyad Ashbah »,  le second long-métrage du réalisateur phare de l'exigüe scène cinématographique de Ramallah montre un aspect des brisures morales causées par les forces d’occupations Israéliennes aux détenus Palestiniens.

Combien de temps t'as tenu sans dormir? Combien de temps à l'isolement?, se remémore Andoni qui a lui-même été incarcéré dans sa jeunesse et qui se dit depuis hanté par les flashbacks des bruits de porte ou de la sensation du sac en tissu sur sa tête.

 Le lieu reconstitué dans un hangar de Ramallah pour les besoins du  tournage est à « Al Moskobyia », une sinistre prison souterraine située en plein centre-ville de Jérusalem-ouest. 

De quelle couleur était le carrelage? A quelle hauteur était la poulie qui maintient les détenus les pieds décollés du sol ? Quelle est la dimension de la cellule ? Après d'intenses débats, armés de truelles et de panneaux de contreplaqués, la dizaine d'acteurs, d'anciens détenus de tous âges et de tous les milieux sociaux, ont eux-mêmes fabriqué le décor. Et à mesure que les murs s'élèvent, le traumatisme ressurgit et les tabous tombent.

« J'ai utilisé tous les dispositifs que j'ai trouvé pour les aider à creuser dans leur subconscient, pour retirer couche après couche les filtres du refoulement. Je leur ai dit que si c'était trop dur ils étaient libres de partir », explique Raed Andoni après la première de son film à la Berlinale.

Dans « Istiyad Ashbah » le cinéaste pousse l'expérience à la limite du supportable, autant pour les acteurs que pour le spectateur. En demandant aux anciens détenus de jouer en uniforme le rôle des interrogateurs Israéliens ou des tauliers, il laisse découvrir de longues scènes de tortures.

Le Comité des Nations-Unies contre la torture entend régulièrement l’occupant Israélien de la Palestine au sujet des accusations répétées de mauvais traitements formulées par d'anciens prisonniers, des ONG Israéliennes et l'Autorité Palestinienne : violences sexuelles, sévices physiques et psychologiques et détention en isolement pendant de longues périodes. 

La question du traumatisme était déjà au coeur du premier long-métrage de Raed Andoni, "Fix me", un documentaire sur ses séances de psychanalyse à Ramallah. 

Coproduit, entre autres, par l'actrice Française Julie Gayet, « Istiyad Ashbah »  est en lice pour le prix du meilleur documentaire dans la sélection « Panorama » de la 67ème Berlinale. 

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