Françaises musulmanes, « cumulardes de l'exclusion », elles se rebiffent et prennent la parole

Lasses d'être victimes des préjugés, des Françaises musulmanes, voilées ou non, ont décidé de donner de la voix pour revendiquer leur féminisme et leur citoyenneté, dans un pays où elles sont sans cesse l’objet de polémiques, notamment en raison de leur tenue.

« Ne me libérez pas, je m'en charge », résume sur twitter la sociologue Hanane Karimi, figure du féminisme Musulman en France.

Faute de se sentir défendues par les féministes classiques ou les partis politiques, celles qui se présentent comme des « cumulardes de l'exclusion »  (genre, origine, religion), fondent des médias en ligne, animent des associations, publient livres et des lettres ouvertes.

« En finir avec la confiscation de la parole »: c'est l'attaque d'un récent ouvrage collectif, « Voiles et préjugés », que dirige Nadia Henni-Moulaï, journaliste et fondatrice de MeltingBook (média et éditions). 

Journalistes, sociologues, militantes s'y insurgent contre le fait que les femmes voilées, sont devenues en France les cibles « privilégiées » des discours islamophobes. 

Elles dénoncent une conception « excluante et identitaire » de la laïcité, un principe français supposé garantir la liberté, renvoyant dos à dos les responsables politiques de tous bords, dont les déclarations anti-voile crispent, soulignent-elles, la société, voire nourrissent l'islamisme. 

Pas un homme politique pour racheter l'autre? « Non! », répond Sarah Zouak, dynamique entrepreneuse sociale. Cette réalisatrice de documentaires a fondé Lallab, média doublé d'une association, pour « faire entendre les voix des Musulmanes victimes d'oppressions racistes et sexistes ». 

 « Les propos sexistes et racistes touchent l'ensemble du spectre politique Français. La droite a des positions racistes, mais il ne faut pas oublier que le gouvernement socialiste de ces cinq dernières années a été l'un des pires pour nous », soupire la jeune femme.

Elle cite notamment le soutien de l'ex-Premier ministre Manuel Valls aux maires de droite qui ont tenté de faire interdire le burkini sur les plages l'été dernier « au nom du respect de la laïcité », ou ses propos sur le voile synonyme selon lui d’« asservissement de la femme ».

   

Elle rappelle que la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, avait  comparé, l'an dernier, les femmes voilées « à des nègres Américains » favorables à l'esclavage, reconnaître finalement avoir eu une « faute de langage ».

Cinq citoyennes engagées, dont Hanane Karimi, ont alors dénoncé dans une tribune un 3féminisme opérant un tri sélectif racialiste et culturaliste » venant d'une ministre censée  défendre la cause de toutes les femmes. 

Aucune injonction pour ces militantes pour lesquels il faut refuser les « voilez-vous », comme les « dévoilez-vous » ;

« Mon voile n'est pas la soumission à un homme mais à Dieu. C'est l'aboutissement d'un chemin intime dans la foi », explique à l'AFP Hanane Charrihi, qui vient de publier un livre-hommage à la mémoire de sa mère, tuée dans l'attentat de Nice (sud-est) en juillet 2016.

« On se bat pour les libertés, pour que la femme puisse porter le voile si elle le souhaite, comme la mini-jupe si c'est son choix », dit-elle.

 « Ce qui est frappant c'est que ces femmes ‘’racisées’’ ont pris la parole », commente le sociologue Eric Fassin. « Les femmes voilées étaient devenues les objets de discours obsédants, sans qu'on leur donne la parole. On nous expliquait qu'elles étaient réduites au silence mais on contribuait à ce silence. Or, désormais, souligne-t-il,  elles parlent beaucoup: elles revendiquent ! »

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