Service au public : quand les prestataires confondent entre assurer leur mission et rendre service

Qu’il sollicite les services d’un médecin, d’un maçon ou d'une administration publique, l’Algérien est, dans de très nombreux cas, totalement ignorant des règles que sous tend la notion de prestation de service, accomplie, assez souvent, en contrepartie du versement de numéraires.

Mis en condition, des nationaux sont amenés à considérer que c’est pour leur rendre service, et non pour s’acquitter d’une mission dont ils ont la charge, que des prestataires sont amenés à répondre favorablement, s’ils le veulent bien, à leur demande.

Ignorant des lois et règlements, persuadés, aussi, qu’ils ne peuvent obtenir réparation d’un préjudice causé, rares sont parmi eux ceux qui s’insurgent lorsque des prestations réclamées sont refusées ou mal accomplies. Un sentiment de passivité qui a conduit à de nombreux dépassements.

Craignant d’être malmenés, agressés physiquement parfois, touchés dans leur dignité, lorsqu’ils « osent » se plaindre d’un service non ou mal effectué, beaucoup de citoyens sont amenés à abandonner leurs droits légitimes, préférant faire appel à de tierces personnes, en les rétribuant, pour entrer dans leur droit.

En matière de prestations de service, perpétuellement bafouées, le cas des  taxis est l’un des exemples les plus éclatants. En condition de normalité, une personne hèle un taxi passant à proximité, prend place dans la cabine, puis  demande au conducteur à être déposée au lieu de son choix.

Mais ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité. Lorsqu’il est fait appel à l’un des conducteurs de ces véhicules et qu'il consente à s’arrêter, il doit prendre soin de lui demander, au préalable et très gentiment, s’il accepte de le mener vers le lieu souhaité. Il ne faut pas s’étonner, parfois, de s’entendre répondre sèchement : «ce n’est pas mon itinéraire».

Lorsqu’un « taxieur » donne suite à un appel, il ne sert à rien de protester, s’il se met à charger de nouveaux clients sur le parcours, le «jumelage», en dépit de son interdiction par la loi, etant devenu le «sport» très prisé de la profession.   

A la station de la Place du 1er mai, un conducteur de taxi stoppe son véhicule devant trois dames attendant patiemment. Tout de go, celui-ci les prévient qu’elles doivent, chacune, s’acquitter du prix de la course, si elles veulent être amenées à destination, ce que ces dernières refusent en protestant.

Ces pratiques ne sont pas imputables aux seuls « taxieurs». C'est pratiquement les mêmes situations auxquelles est confronté un demandeur lorsqu'il fait appel aux services d’un prestataire. Lorsqu'il découvre que celui-ci s’est mal acquitté de son travail, il est rare qu'il puisse obtenir réparation des préjudices subis.

Sofiane indique, ainsi, avoir fait l’acquisition d’un véhicule neuf dont il a découvert, quelques jours après, qu’il avait un problème d’embrayage. « L’ayant confié aux soins du concessionnaire auprès duquel je l’avais acheté, il me fut indiqué que celui-ci avait un déficit de graissage, ‘’ vite réparé’’. Comme la panne persistait, poursuit-il, je l’ai ramené, une nouvelle fois, pour réparation, pour m’entendre dire qu’il  s’agissait, encore, d’une mineure question de graissage. Et comme la panne persistait, j’ai du confier mon véhicule à un mécanicien et payer de ma poche».

Selmi, quant à lui, déclare avoir constaté une perte de 20.000 dinars, après qu’il eut confié la réparation de sa salle de bain à un maçon. « Observant des vices de forme, dit-il, je l’ai chassé pour donner ce petit chantier à un autre artisan qui, lui, s’est plaint de ne pas se voir servir de repas, puis enfin, à un troisième ».

Un autre citoyen raconte avoir confié son automobile à un garagiste et s’être aperçu, après coup, que celui-ci avait omis de lui remplir le carter d’huile. « Quand je suis allé lui faire la remarque, indique-t-il, il n’a rien trouvé de mieux que de me dire : ‘’mais je t’ai mis de l’huile’’ ». A la suite de pareils aléas,  d’autres confrères du mécanicien seraient tentés de répondre « Allah Ghaleb ».

Quels que soient les prestations qu’exige le citoyen lambda, et jusque pour se faire servir une consommation, ou bien acquérir un quelconque produit, il lui faut faire profil bas, à s’adresser avec déférence à la personne chargée de le servir et surtout à ne pas la brusquer. C’est ce qui amène certaines personnes à user du «Ya khô», du « H’bibna », voire du « Ch’riki » pour calmer les personnes chargés de répondre à leurs requêtes.    

Il faut signaler que les services publics ne sont pas, non plus, innocents des nombreux griefs qui leurs sont reprochés. Jusqu'à récemment, se faire délivrer la moindre pièce administrative relevait de la gageure. Face à l’affluence des demandeurs, il  fallait, souvent, jouer fortement des coudes pour tenter d’approcher les guichets et s’y voir, peut-être, délivrer les documents souhaités.

Il y a quelques décennies de cela, et afin d’inciter leurs personnels à accomplir les missions pour lesquelles ils sont régulièrement rémunérés, les établissements publics de santé avaient été amenés à initier une campagne de sensibilisation intitulée : « Khaddam Err’jel Sid’houm », c’est tout dire.  

En matière d’amélioration de la qualité de leurs services, il faut, toutefois, reconnaitre que les services de la Fonction publique ont consentis, ces derniers mois, de louables efforts, pour faire accélérer la délivrance d’actes administratifs, de pièces d’identités et autres documents de voyage.

Ces initiatives ont été reprises par d’autres institutions de l’Etat, à l’exemple du ministère de la Justice ou de celui des Affaires étrangères qui ont, aussi, redoublé d’efforts en matière d’accueil du public.

Pour améliorer substantiellement les relations entre le public et les prestataires de services, quelques soient leurs activités, c’est, d’abord, aux institutions publiques qu’il appartient de faire changer les choses en commençant, notamment, à mettre un terme aux dépassements que tout un chacun connait, aujourd’hui.

Encouragé de constater que ceux-ci sont désormais susceptibles d’être sévèrement sanctionnées, le citoyen  pourra, alors, être amené à, enfin, défendre ses intérêts et sa dignité et à ne plus se laisser « pietiner » impunément.

 

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