L'enquête sur des soupçons de financements libyens de la campagne présidentielle victorieuse de l'ancien président français, Nicolas Sarkozy en 2007, met en scène des protagonistes aux versions contradictoires. Un intermédiaire qui accuse, des témoins-clés en mauvaise santé ou morts.
Dans la liste des protagonistes, Ziad Takieddine, un "sulfureux" homme d'affaires franco-libanais, soupçonné d'avoir été un intermédiaire Il a évoqué dès 2012, un financement libyen. En novembre 2016, il affirme avoir remis entre fin 2006 et début 2007, cinq millions d'euros à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet, Claude Guéant.
Déjà poursuivi dans l'affaire Karachi (sur des soupçons de versements occultes de la campagne du candidat de droite Edouard Balladur à la présidentielle de 1995), il est également inculpé dans le dossier libyen.
Interrogé, en novembre 2016, sur les accusations de M. Takieddine, qu'il a toujours démenties, il avait parlé d'«indignité» et reproché au journaliste lui posant la question de «donner crédit» à la parole de cet intermédiaire.
Les protagonsites :
Claude Guéant, ex-secrétaire général à l'Elysée, homme de confiance de Nicolas Sarkozy, a reçu un virement de 500.000 euros en mars 2008, en provenance d'une société d'un avocat malaisien, et déclaré qu'il s'agissait du fruit de la vente de deux tableaux, sans convaincre les juges. Ces derniers l'ont mis en examen (inculpé), notamment pour «blanchiment et fraude fiscale en bande organisée».
Brice Hortefeux : ex-ministre de l'Intérieur, il a été entendu en audition libre mardi. Selon un document révélé par le site d'information Mediapart, il a participé le 6 octobre 2006 à une réunion au cours de laquelle il aurait été acté le principe du financement libyen, en présence d'Abdallah Senoussi, directeur des services de renseignements, Bachir Saleh, argentier du régime, et de Ziad Takieddine.
Eric Woerth : trésorier de la campagne de 2007, il a reconnu devant les enquêteurs que de l'argent liquide avait circulé au sein de l'équipe de Nicolas Sarkozy et en a attribué l'origine à des dons anonymes reçus par courrier.
D'autres témoignages contredisent cette hypothèse, dont celui d'une salariée qui assure n'avoir jamais vu arriver d'enveloppes contenant de l'argent liquide.
Des témoins-clés à l'hôpital
Bachir Saleh : ex-directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, il s'est réfugié en France après la chute de l'ancien président libyen avant de fuir à nouveau après la publication par Mediapart de la note sur le financement et le lancement d'une notice rouge par Interpol. Actuellement en exil, il a été blessé par balles en Afrique du Sud fin février. Quand les juges se sont déplacés, en avril 2017, pour interroger ce personnage-clé, ce dernier a exercé son droit au silence.
Alexandre Djouhri : cet homme d'affaires a vu son nom apparaître notamment lors de la vente suspecte en 2009 d'une villa située à Mougins, sur la Côte d'Azur, à un fonds libyen. Il est soupçonné d'en avoir été, derrière plusieurs prêtes-noms, le véritable propriétaire et de l'avoir cédée à un prix surévalué, ce qui aurait pu permettre de dissimuler d'éventuels versements occultes. Après avoir refusé de répondre aux convocations des juges, il a été arrêté à Londres en janvier. Souffrant de problèmes cardiaques, il est actuellement à l'hôpital et on ne saura s'il est extradé vers la France en juillet.
Les morts :
Mouammar Kadhafi : l'ancien dictateur libyen, tué en 2011, a un temps entretenu des relations diplomatiques avec le président Sarkozy, après avoir été mis au ban de la communauté internationale. Reçu à l'Elysée en 2007, il avait qualifié son «ami» Sarkozy de «fou» lorsque Paris a reconnu l'opposition libyenne en 2011. Son fils, Seif al-Islam, avait affirmé sur Euronews que la Libye avait financé la campagne de M.Sarkozy, sans fournir de preuves.
Choukri Ghanem : ex-ministre du Pétrole de la Libye, il a été retrouvé noyé dans le Danube en 2012. Les juges ont toutefois obtenu des carnets dans lesquels il mentionne trois paiements en avril 2007 destinés à Nicolas Sarkozy, pour au moins 6,5 millions d'euros.