L'endettement extérieur ne constitue pas une priorité pour l'Algérie, mais pourrait être envisagé pour financer des projets structurants et rentables, a indiqué le ministre des Finances, Mohamed Loukal, dans un entretien à l'APS, confirmant le "gel" du financement non conventionnel pour l'an 2019.
"Le recours au financement extérieur ne constitue pas, à l'heure actuelle, une option prioritaire, mais il pourrait être envisagé pour assurer, de manière ciblée, le financement de projets structurants et rentables", a-t-il répondu à une question sur un éventuel recours à cette option, après le gel du financement non conventionnel pour l'exercice 2019.
Pour M. Loukal, une éventuelle mobilisation de financements extérieurs devra, en outre, "se soumettre à des dispositions particulières en termes de délais, dans le cadre de crédits assortis de conditions avantageuses et ciblées".
Invité à répondre à certains analystes qui redoutent un recours imminent de l'Algérie au FMI (Fonds monétaire international) pour faire face à ses obligations budgétaires, le ministre a catégoriquement écarté une telle démarche.
"L'Algérie n'est pas sous la menace du FMI. Nous avons des réserves de change assez confortables, un endettement externe ne dépassant pas 1% du PIB et des sources alternatives qui nous permettent de continuer à assurer les dépenses de l'Etat sans aggraver le recours au financement non conventionnel", a-t-il soutenu.
"Notre marge de manœuvre (en matière de possibilités de financement) reste préservée", a-t-il rassuré.
"Gel" du financement non conventionnel
Le recours au financement non conventionnel, dès la fin 2017, pour pallier les rétrécissements des liquidités bancaires, suite à la chute des cours du pétrole, a été "gelé" pour l'année 2019, mais restera un instrument de financement valable jusqu'à 2022, a indiqué le ministre.
"Le financement non conventionnel a été gelé pour l'exercice en cours (2019), mais il reste un levier important, mais non exclusif, de financement pour le Trésor jusqu'à 2022", a-t-il déclaré.
M. Loukal a, dans ce sens, fait savoir que la décision de "suspendre temporairement" le recours à ce mode de financement, communément appelé "planche à billets", a été prise lors d'une réunion du gouvernement, tenue le 26 juin dernier.
Rendu possible grâce à un amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, autorisant le Trésor public à s'endetter directement auprès de la Banque d'Algérie (BA), le financement non conventionnel était programmé pour une période transitoire de cinq ans (2017-2022). Cette période devait voir la concrétisation de réformes structurelles importantes.
"Le gouvernement a décidé de satisfaire les besoins de financement de l'exercice 2019 sans recourir, de nouveau, au financement non conventionnel qui restera figé à son niveau de janvier 2019, soit à 6.553,2 milliards (mds) de DA", a précisé M. Loukal.
S'agissant de la prise en charge des besoins de financement au titre de l'année en cours, le ministre a expliqué qu'elle sera assurée par des "sources alternatives", disponibles sur le marché, avec une politique budgétaire basée sur une rationalisation soutenue des importations.
M. Loukal a indiqué que sur les 6.553,2 mds DA mobilisés dans le cadre du financement non conventionnel, appelé communément "la planche à billets", environ 5.500 mds de DA ont été injectés dans l'économie.
"Il reste donc 1.000 mds de DA environ, mobilisés depuis le 18 janvier 2019, qui sont destinés à financer une partie du déficit du Trésor de l'exercice en cours", a-t-il souligné.
La crise financière sévère, induite par un déclin drastique des prix pétroliers, s'était traduite par l'épuisement du Fonds de régulation des recettes (FRR), en février 2017, et l'enregistrement de 1.400 mds de DA d'arriérés de paiement à fin 2017.
Le déficit du Trésor avait atteint 1.590,28 mds de DA à la fin 2017 (8,5% du PIB).
En dépit de cette situation financière fragile, l'année 2017 a été marquée par le retour à l'expansion budgétaire due à la relance de la réalisation de projets socio-économiques dans les secteurs de l'Education, la Santé et des Ressources en Eau.
"Cette situation s'est traduite par des tensions accrues sur la trésorerie de l'Etat faisant naître un besoin de financement conséquent, alors que le budget avait utilisé tous les instruments dont il pouvait disposer", rappelle M. Loukal pour justifier le recours au financement non conventionnel en 2017.
La poursuite de l'expansion budgétaire et la prise en charge du déficit de la Caisse Nationale des Retraites (CNR) a aggravé le déficit du Trésor en 2018, lequel a atteint 1.952,57 mds de DA (9,6% du PIB), dont 900 mds de DA ont été couverts par le recours au financement non conventionnel.
Avec les 570 mds de DA mobilisés en 2017, la couverture du déficit du Trésor par le biais de ce financement avait atteint 1.470 mds de DA à fin 2018, a relevé encore le ministre.
L'Etat sauvegardera les entreprises des patrons incarcérés
L'Etat a pris les mesures nécessaires pour sauvegarder l'outil de production et les postes d'emploi des entreprises économiques, dont les propriétaires sont incarcérés pour des affaires de corruption et autres, a assuré le ministre des Finances, Mohamed Loukal.
"Nous sommes en train de travailler au niveau du gouvernement pour dégager des solutions juridiques concernant ces entreprises et je peux vous assurer que l'outil de production et les postes d'emploi au niveau de ces entreprises seront sauvegardés coûte que coûte", a-t-il affirmé.
Rappelant que les entreprises constituaient les principaux agents économiques créateurs de richesse, M. Loukal a souligné que la poursuite de leur fonctionnement et de celui des projets industriels, confrontés à des mesures conservatoires dans le cadre de procédures judiciaires, était "au centre des préoccupations du gouvernement".
Selon lui, le gouvernement, qui ne pouvait pas rester passif à ce qui se passe sur la scène économique, a décidé de mettre en place un dispositif de sauvegarde pour prévenir les éventuelles turbulences susceptibles d'impacter l'emploi, la production et le climat des affaires en général en Algérie.
Le dispositif de sauvegarde est supervisé par un Comité intersectoriel ad hoc, placé auprès du ministère des Finances. Il est composé des membres du gouvernement et du gouverneur de la Banque d'Algérie, a-t-il rappelé, sans pour autant avancer plus de détails sur la nature des mesures qui seraient prises dans ce cadre.