La Guerre de libération nationale a connu bien des haltes qui resteront indélébiles marquées par un caractère populaire, à l'instar des manifestations du 17 octobre 1961 qui ont révélé l'unité d'un peuple ayant cru en sa direction à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, mais également la barbarie d'un colonisateur qui n'a pas hésité à réprimer des manifestants avant de mettre fin à leur vie dans les eaux de la Seine.
Il y a exactement 59 ans, le mardi "noir" a gravé pour toujours un épisode de faits barbares dans l'histoire des forces coloniales du 20e siècle.
Paris, jadis, a témoigné d'un des massacres les plus horribles commis contre des innocents désarmés, sortis manifester pacifiquement pour dénoncer un couvre-feu "discriminatoire" imposé par le Commissaire de Police de Paris à l'époque, en l'occurrence Maurice Papon (condamné en 1998 pour crimes contre l'humanité), lequel éprouvait aux Algériens une haine envenimée, clairement affichée d'ailleurs, lorsqu'il fut Igame de Constantine.
Malgré l'obéissance rigoureuse aux instructions de la Fédération du FLN de France pour ne pas céder aux provocations des forces de la police française, celles-ci n'ont pas manqué d'exercer leur violence habituelle à l'encontre des Algériens, sauf qu'en ce jour d'octobre 1961, à un degré supérieur signant ainsi un crime contre l'humanité.
Il s'agit, en effet, du massacre qui dénote la recrudescence de la violence exercée chaque année contre les Algériens, dans le cadre des tentatives de l'occupant d'éteindre la mèche de la guerre de libération.
Un tel fait est, par la force des choses, le dénouement d'une série d'événements à l'origine des massacres.
En septembre 1961, les dispositifs de sécurité français ont mené des campagnes d'arrestation et d'expédition de centaines de ressortissants algériens avant de parquer 650 autres au Centre d'identification de Vincennes.
En date du 23 septembre de la même année, quelque 29.000 émigrés ont été contrôlés, 659 internés et 184 expulsés vers l'Algérie, selon la préfecture de police.
Le 5 octobre de la même année, Papon avait signé un arrêté décrétant un couvre-feu pour les Algériens de la capitale et de la banlieue de 20:30 à 5:00 du matin.
Dès l’entrée en vigueur de cette décision, la fédération de France du FLN a annoncé l’organisation de manifestations pacifiques, parvenant ainsi à transférer la guerre de libération au cœur même du territoire ennemi.
Les marches pacifiques avaient pris le départ des quartiers pauvres de la capitale française, avant que les foules ne se dispersent dans les principales artères de Paris pour rallier la place de "l’Opéra" dont les issues sont été fermées par les forces de police.
Face à la situation, les forces françaises de sécurité n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur les manifestants qui ont respecté les instructions interdisant l’usage des armes, se contentant de brandir les emblèmes et les banderoles revendiquant l’annulation du couvre-feu et réclamant l’indépendance de l’Algérie, selon des témoignages des participants et des témoins qui ont relaté l’atrocité des événements vécus, en dépit du black-out médiatique imposé.
Les Français eux-mêmes avait fait preuve de compassion à l’égard de ces marches pacifiques.
D’ailleurs, le 21 octobre, des enseignants et des étudiants de la Sorbonne s’étaient rassemblés pour dénoncer le couvre-feu imposé au Algériens et la répression exercée contre les manifestants.
Le lendemain, des manifestations de solidarité avaient été organisées par des étudiants français dans le quartier Latin et Montparnasse.
Selon les historiens, les manifestations du 17 octobre qui ont eu des conséquences désastreuses ont contraint le gouvernement français à reprendre les négociations avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) qui a été contacté le 28 du même mois pour l’entame des discussions dans la ville suisse Bâle où la partie algérienne était représentée par les regrettés Rédha Malek et Mohamed Seddik Benyahia.