Le président libanais, Michel Aoun, a appelé ce samedi l'Arabie saoudite à «éclaircir les raisons» qui empêchent son Premier ministre démissionnaire, Saad Hariri, de renter au pays, alors que la communauté internationale exprime ses vives inquiétudes quant aux conséquences de cette crise.
Le chef de l'Etat a «invité l'Arabie saoudite (...) à éclaircir les raisons qui entravent le retour de M. Hariri au Liban», a indiqué la présidence dans un communiqué.
Une semaine après l'annonce de sa démission, le retour de M. Hariri au Liban se fait toujours attendre, et le président n'a toujours pas accepté sa démission, assurant qu'il attendait de le rencontrer pour en discuter avec lui.
«Toute position ou mesure qu'il a pu prendre ou qui lui sont imputées (...) sont le résultat de la situation ambiguë et trouble qu'il est en train de vivre en Arabie saoudite, et ne peuvent pas être prises en considération», a indiqué le président Aoun.
En annonçant laisser son poste dans un discours diffusé par la chaîne à capitaux saoudiens Al-Arabiya, M. Hariri avait dénoncé la «mainmise» de l'Iran et du mouvement libanais du Hezbollah, membre de son gouvernement, sur les affaires intérieures du Liban.
Vendredi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé l'Arabie saoudite de «détenir» M. Hariri, qui a la double nationalité, saoudienne et libanaise. «On lui interdit jusqu'à ce moment de rentrer au Liban», a-t-il lancé.
M. Hariri ne s'est pas exprimé sur ces propos, ni sur sa démission depuis le 4 novembre.
Dans ce contexte, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, a mis en garde vendredi «toute partie, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, qui utiliserait le Liban comme théâtre de conflits par procuration».
Abondant dans ce sens, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a fait part vendredi de sa «grande inquiétude» face à la crise politique au Liban, assurant multiplier les «contacts» pour éviter une «escalade aux conséquences tragiques».
«J'ai été en contact étroit (cette semaine) au niveau politique et diplomatique avec l'Arabie saoudite, le Liban et plusieurs pays», a déclaré à des journalistes le patron de l'ONU.
«C'est un sujet qui représente une grande inquiétude pour nous. Ce que nous voulons, c'est que la paix soit préservée au Liban. Il est essentiel qu'aucun nouveau conflit ne survienne dans la région et qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices. Dans le même temps, il est important de préserver l'unité, la stabilité du Liban et le fonctionnement des institutions libanaises», a-t-il ajouté.
«Nous sommes très inquiets et nous espérons ne pas voir une escalade dans la région qui aurait des conséquences tragiques», a insisté Antonio Guterres, sans préciser la teneur des entretiens qu'il a eus avec les parties au conflit.
Comme pour répondre à Hassan Nasrallah du Hezbollah qui a accusé l'Arabie saoudite de «détenir» M. Hariri, la France par la voix de son chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, affirmait sur la radio Europe 1, que le Premier ministre démissionnaire libanais Saad Hariri «est libre de ses mouvements» en Arabie saoudite, où il se trouve, et il importe que «lui-même fasse ses choix».
La France souhaite qu'il «dispose de toute sa liberté de mouvement et soit pleinement en mesure de jouer le rôle essentiel qui est le sien au Liban», a souligné dans la foulée un porte-parole du Quai d'Orsay.
L'annonce du départ du Premier ministre avait pris de court l'ensemble de la classe politique libanaise qui réclame avec insistance son retour à Beyrouth.
Le fait d'avoir annoncé sa démission de Ryadh a fait dire à des médias et responsables au Liban que M. Hariri avait été contraint de prendre cette décision et qu'il n'était pas libre de ses mouvements, d'autant que l'annonce a coïncidé avec l'arrestation de dizaines de princes, de ministres et d'hommes d'affaires dans une purge sans précédent en Arabie saoudite.