L’économiste en chef de la Banque Mondiale (BM), Paul Romer a jeté un pavé dans la mare en affirmant que cette institution avait, à dessein et pour des motivations politiques, modifié les indicateurs de son rapport annuel sur le climat des affaires dans le monde.
Dans un entretien, vendredi dernier, au Wall Street Journal, M. Romer affirme que les changements de la méthodologie du rapport, opérés ces dernières années, avaient été motivés par des considérations politiques, citant en cela le cas du Chili, dont la notation a été volontairement abaissée depuis l’arrivée au pouvoir de la socialiste Michelle Bachelet, en 2014.
Ce pays, qui a enregistré, depuis 2010, une progression constante dans le Doing Business, a vu son classement chuter brutalement de la 34ème place, en 2014, à la 57ème, en 2017 par suite de l’introduction d’un indicateur sur les délais de paiement des impôts imposés aux entreprises, qui a coûté cher à ce pays en matière d’attractivité économique.
Ce recul important dans le classement a été constaté alors que les conditions économiques du Chili n’avaient affiché aucune détérioration, selon cet économiste, lequel affirme que les auteurs du rapport auraient voulu donner « une mauvaise image de la situation économique » de ce pays de l’Amérique Latine.
La régression du Chili aurait, ainsi, profité au Mexique qui a capté, quatre années durant, l’essentiel des IDE vers l’Amérique Latine.
Au Wall Street Journal, M. Romer a déclaré s'excuser « personnellement auprès du Chili et des autres pays qui auraient pu être affectés par ces changements ».
Poussant plus loin, il a affirmé que les quatre derniers rapports de Doing Business de la BM devraient faire l’objet d’une rectification « car fondés sur une méthodologie injuste ».
Ce nouvel examen risque, cependant, d’impacter le classement de l’Inde qui a gagné 40 places en l’espace de quatre années, passant de la 140ème 2014 à la 100ème en 2018, selon ce responsable.
« C’est ma faute, a-t-il reconnu, parce que nous n'avons pas suffisamment clarifié les choses ». Il a ajouté qu’il ne pouvait défendre « l’intégrité » du processus introduisant des changements à la méthodologie établi par la BM pour évaluer l’attractivité des pays en matière d’investissement.
Il a indiqué que ces changements « majeurs » ont été opérés par son prédécesseur, Kaushik Basu, éminent économiste Indien, actuellement professeur d'économie à l'université Cornell.
Les révélations fracassantes de cet expert ont provoqué un tollé à Washington, semant le doute sur la crédibilité de cette institution financière multilatérale.
La présidente Chilienne, qui s’apprête à céder le pouvoir, en mars prochain, a demandé à la BM de rectifier les résultats obtenus par son pays et exigé une enquête approfondie sur cette manipulation.
La BM a tenté de calmer la situation créée par son économiste en chef en affirmant qu’elle traitait les pays « sur un même pied d’égalité ».
A la lumière des préoccupations exprimées dans les médias par M. Romer, la BM a finalement fait savoir qu’elle allait mener un audit externe sur les indicateurs du Chili.
A noter que le classement Doing Business a été maintes fois décrié, poussant même la Chine à réclamer sa suppression.