Reprenant des réflexions contenues dans son dernier ouvrage intitulé « Questions énergétiques et politique économique », Sid Ali Boukrami, professeur en finances internationales, alerte sur une possible « réappropriation » des gisements des pays producteurs par les grandes sociétés pétrolières.
En matière de politique énergétique, il considère que l’Algérie a toujours eu une position « singulière ». Il en veut pour preuve le fait qu'elle n’aura adhéré à l’OPEP que 7 années après son indépendance, « parce que, ajoute-t-il, elle ne s’intéressait pas au prix de son brut, mais davantage à la maitrise de sa production ».
La fixation des prix du brut, indique-t-il, n’est plus du ressort des pays producteurs. Elle a, dit-il, été « transférée » aux importateurs, dont les USA, « les seuls à avoir une politique énergétique dans le monde » et qui ne souhaitent pas qu’elle échappe à leur hégémonie.
Pour M. Boukrami, l’intérêt reste de maitriser la production et le « réservoir engineering ». Et de s’interroger : « les pays Arabes producteurs de pétrole, ont-ils, aujourd’hui les mêmes capacités dont ils disposaient dans les années 70 ? ».
Il estime qu’au lieu de s’occuper du pouvoir de négociation, ces derniers ont préféré miser sur la question des prix « dont la fixation nous échappe totalement », obérant, en fin de compte, leur autonomie de décision.
Avançant l'exemple de l’accélération, à partir de 2008, de l’exploitation des gaz de schiste, il estime qu’elle a mis à mal la position de l’OPEP qui ne contrôle plus que 32 millions de barils de brut sur les 92 millions mis sur le marché et qui, en raison de « l’indiscipline » régnant en son sein, n’en fixe plus les prix.
Par suite de la disparition ou de la faiblesse des capacités de réservoir engineering dans ces derniers, au final, assure-t-il, ce sont les grandes sociétés pétrolières qui vont « se réapproprier » leurs gisements d'hydrocarbures.
Revenant au cas de l’Algérie et des conditions de son adaptation à cette nouvelle donne, M. Boukrami invite à mettre en avant la prospective. « Il reste, encore, à prendre les décision, aujourd’hui, avec les informations de demain » dans la perspective de restructuration de l’économie mondiale qui se profile.
Il faut, insiste-t-il, renforcer le capital humain, aller vers l’amont de la production pétrolière, celle de la maitrise des gisements, de l’expertise, de la protection des meilleurs cadres techniques, ceux qui sont à même de transmettre leurs connaissances, sans continuer à rester rivé sur les seuls paramètres de prix.