Le projet de révision de la Constitution est rendu public et disponible sur le site de la présidence de la République. Il porte globalement sur le renforcement des principes d'alternance au pouvoir, en particulier la réduction des mandats présidentiels à deux, la promotion des droits de l'Homme ainsi que la liberté d'expression et la lutte contre la corruption.
Intitulé "Des propositions d'amendements pour la révision constitutionnelle", le texte, mis en ligne vendredi sur le site de la présidence de la République, explique que ce projet de révision de la Constitution s'inscrit dans le cadre de la poursuite du processus des réformes politiques.
Il est notamment destiné "au renforcement de la séparation des pouvoirs, à conforter l'indépendance de la justice et le rôle du Parlement, à l'affirmation de la place et des droits de l'opposition, et à garantir les droits et libertés des citoyens".
Les propositions de révision sont articulées sur quatre axes de la loi fondamentale: le préambule, les principes généraux régissant la société algérienne notamment les droits et libertés des citoyens et leurs devoirs, l'organisation des pouvoirs et le contrôle constitutionnel''.
Pour une alternance démocratique
Le premier axe concerne le préambule et l'article 74 de la Constitution. L'amendement proposé dans ce cadre porte sur la constitutionnalisation de l'alternance démocratique, dans le préambule et sa traduction dans le corps de la Constitution par une limitation du nombre de mandats présidentiels (art.74), à deux selon la proposition d'amendement.
Ce principe, qui est une exigence de la démocratie et constitue un de ses fondements essentiels est de nature à consolider les fondements de la démocratie, à redynamiser la vie politique et à favoriser, à terme, l'émergence d'une culture de l'alternance dans notre pays.
L'amendement porte également sur l'ajout de l'expression "peuple algérien" pour mettre en exergue son rôle historique dans la restauration d'un Etat moderne et souverain d'une part, et d'autre part sur la consécration des valeurs de paix et de réconciliation nationale afin qu'elles servent et demeurent des repères constants pour les générations futures et constituent des voies et moyens privilégiés pour résoudre tout conflit auquel peut être confrontée une société au cours de son histoire.
Respect des droits et libertés du citoyen
Le second axe concerne, quant à lui, les principes généraux régissant la société algérienne notamment les chapitres relatifs au peuple, à l'Etat et aux droits et libertés des citoyens et leurs devoirs, indique le texte soumis par M. Ouyahia aux responsables de partis notamment et aux personnalités politiques.
Concernant le chapitre relatif au peuple, il est proposé de renforcer la protection de l'économie nationale en constitutionnalisant, à la fois, le principe ''de la lutte contre la corruption active et passive'' et le mécanisme de la déclaration de patrimoine, prévoyant la confiscation de tout bien, quelle que soit sa nature.
Ces amendements sont de nature à permettre de lutter efficacement contre ce grave phénomène (de la corruption) et à conforter la bonne gouvernance en Algérie.
S'agissant du chapitre relatif à l'Etat, il est proposé de renforcer les garanties de respect de l'impartialité de l'administration en réprimant, par la loi, ''toute atteinte à ce principe constitutionnel''.
Pour ce qui est des droits et des libertés du citoyen, les amendements proposés visent à élargir et à enrichir l'espace constitutionnel du citoyen, à la fois par ''la consécration de nouvelles libertés publiques'' et la consolidation de certains droits constitutionnellement garantis.
Ainsi, l'objectif parité hommes femmes, la liberté d'exercice du culte dans le cadre de la loi, la liberté de la presse dans le respect des droits et libertés d'autrui et l'interdiction de toute censure préalable, la liberté de manifester et de se rassembler pacifiquement, le droit à un procès équitable, sont également au menu de ce projet de révision de la Constitution.
Parmi les priorités de la révision constitutionnelle décidée par le Président Bouteflika, figurent par ailleurs l'interdiction de la détention ou l'emprisonnement dans des lieux non prévus par la loi, l'obligation d'informer la personne en garde à vue de son droit d'entrer en contact avec sa famille et l'obligation de soumettre un mineur en garde à vue à un examen médical, ainsi que l'égalité des citoyens devant l'impôt.
"Ce sont autant de droits, de libertés individuels et collectifs et de devoirs du citoyen dont la constitutionnalisation est de nature à approfondir la culture de la tolérance dans notre pays, à consolider les libertés publiques, à conforter l'esprit de solidarité et les traditions d'entraide envers les nécessiteux conformément aux préceptes islamiques", a souligné la même source.
S'agissant des devoirs du citoyen, les amendements proposés visent à impliquer le citoyen dans la protection de l'unité de son peuple et consolider le respect du principe d'égalité des citoyens devant l'impôt en sanctionnant, par la loi, toute action visant à le contourner.
Respect de la séparation des pouvoirs
Les amendements proposés dans ce cadre visent notamment à donner, dans le respect du principe de séparation des pouvoirs, plus de cohérence et plus de visibilité au régime politique algérien par un réaménagement des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif.
La séparation prend compte également de leurs composants ainsi qu'un renforcement de leurs attributions en vue d'assurer un meilleur équilibre entre eux et une plus grande efficacité de leurs actions respectives, et par un élargissement de la représentation du pouvoir judiciaire au Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne le pouvoir exécutif ces amendements ont pour objet d'instituer de nouvelles conditions d'éligibilité à la présidence de la République en rapport avec la haute importance et le caractère éminemment sensible de la fonction présidentielle.
Cet amendement vise à consolider le statut du Président de la République en sa qualité de garant de la Constitution et eu égard à l'importance de sa mission de protection de la République et de ses institutions.
L'indépendance du juge est là également réaffirmée.
Il s'agit également de réaménager l'organisation du pouvoir exécutif en vue de garantir une meilleure fluidité des relations entre ses composants et d'assurer notamment une plus grande efficacité de l'action du Premier ministre par un renforcement de ses prérogatives et par le pouvoir qui lui est conféré de saisir le Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne le pouvoir législatif, les amendements proposés visent notamment à approfondir le principe de la séparation des pouvoirs en renforçant le rôle du Parlement dans le sens d'un meilleur équilibre entre ses deux chambres et d'un accroissement de ses prérogatives.
Dans ce cadre, il est proposé de conférer au Conseil de la Nation l'initiative et son corollaire le droit d'amendement des lois dans des matières limitativement énumérées, de renforcer les instruments de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement en vue de garantir les conditions d'une meilleure gouvernance.
Dans ce cadre, il est proposé notamment de renforcer les prérogatives de l'Assemblée Populaire Nationale en consacrant une séance par session au contrôle de l'action du Gouvernement, en présence obligatoire du Premier ministre, en conférant à chacune des deux chambres la possibilité de créer des commissions temporaires d'information sur tout le territoire national.
Les propositions d'amendements relatives au parlement interdisent par ailleurs, une des nouveautés contenues dans ce texte, la transhumance des parlementaires d'un parti à un autre.
Il est ainsi interdit ''pour tout élu au Parlement de changer d'appartenance politique en cours de mandat''. Au titre du pouvoir judiciaire, les amendements proposés visent à étendre la consultation préalable du Conseil d'Etat, à l'initiative du Président de la République ou du président de l'une des deux chambres du Parlement, selon le cas, et suivant les conditions et procédures prévues par la Constitution, aux ordonnances à titre obligatoire, et facultativement aux propositions de lois et aux décrets présidentiels.
Les amendements en questions visent à élargir les prérogatives des présidents des deux chambres du Parlement et à renforcer la fonction consultative du Conseil d'Etat, à protéger le juge contre toute forme de pressions, d'interventions ou manœuvres en lui reconnaissant le droit de saisir le Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'il est confronté à l'une de ces situations.
L'exercice de ce droit constitutionnel est de nature à renforcer l'indépendance du juge, à renforcer la représentation du pouvoir judiciaire au Conseil constitutionnel par une augmentation du nombre de magistrats au sein de cette institution.
Renforcement du contrôle constitutionnel
Le quatrième axe concerne la fonction de contrôle constitutionnel. Les amendements projetés visent à moderniser l'institution qui a la charge de ce contrôle.
Dans ce cadre, il est proposé de revoir l'organisation du Conseil constitutionnel notamment sa composition dans le sens d'une augmentation du nombre de ses membres en vue d'assurer une représentation équilibrée des trois pouvoirs au sein de cette institution et en créant la fonction de vice-président en vue d'assurer la stabilité et la pérennité de l'institution.
Il est nécessaire de rappeler que le Président de la République ne pose aucune limite préalable au projet de révision constitutionnel.