Le Centre culturel de la Radio nationale Aissa Messaoudi a abrité, samedi, une conférence dédiée à la « Question du genre dans les médias ».
Par Yasmina Ferchouche
Quelle place occupent les femmes dans les médias ? Quelles perspectives réelles à leur évolution ? Quels en sont les obstacles, et surtout quelle image renvoie-t-on d’elles au sein de la société ?
Ce sont, entre autres, les questions traitées et débattues lors de cette rencontre qui a réuni experts et journalistes et a vu exposer les expériences, algérienne, tunisienne et française pour ensuite ouvrir la voie à des tables rondes sanctionnées par des recommandations pratiques.
Remarquable, voire surprenant, ce dénominateur commun dans les exposés des trois expertes qui se sont succédé à la tribune, à savoir Ahlem Bousserwel de Tunisie, Soumaya Salhi d’Algérie et Natcha Henry de France.
En effet, qu’il s’agisse d’Europe ou du Maghreb, il en ressort qu’en dépit d’une forte présence des femmes dans les médias, leur accès aux centres de décision et postes managériaux n’est que très rarement permis.
A ce titre, Mme Ahlem Bousserwel soutient qu’en Tunisie, bien que les femmes représentent 54% des effectifs activant dans les médias, elles ne sont que 15% à occuper des postes de responsabilité, selon le Centre de Tunis pour la liberté de la presse (octobre 2013).
Par ailleurs, les deux intervenantes (Tunisie et France) attestent du confinement des femmes dans des postes de subalternes du fait de stéréotypes et préjugés injustement liés à la nature de la femme. Aussi bien dans le monde des médias que dans d’autres secteurs, la discrimination commence au moment du recrutement en posant des questions sur sa vie privée (responsabilités familiales). Ce à quoi l’homme ne se trouve aucunement confronté même si, lui aussi, est censé avoir les mêmes responsabilités.
L’intervenante rapelle au passage, autre discrimination criante : les inégalités salariales entre les journalistes hommes et femmes qui se trouve de l’ordre de 18% en Europe.
En Algérie comme en Tunisie, même si fort heureusement le principe « à travail égal, salaire égal » est consacré, les femmes souffrent plutôt de l’image dans laquelle on tente de les cantonner au sein des médias.
Mme Ahlem Bousserewel cite des exemples de Radios tunisiennes à forte audience où « les femmes sont plutôt faites pour les émissions matinales, de variétés, mode, culture, etc. ». Elles se trouvent souvent « exclues » des programmes et émissions dites « sérieuses ». On leur demande insidieusement d’être plutôt « jolie et avoir une belle voie ».
D’autre part, il est aussi question de la responsabilité des médias dans l'image qu'ils véhiculent pour la société. Il arrive que des médias présentent au public, de manière consciente ou inconsciente, les femmes dans des rôles pour le moins réducteurs, voire choquants, en total décalage avec les réalités mêmes de la société et ses aspirations au progrès, sans toutefois qu'une quelconque Autorité ne s'en offusque, ni réagisse...
Les participants ont été unanimes à considérer que les femmes, celles disposants de compétences les prédestinant à assumer de hautes responsabilités, n'arrivent pas à y accéder, essentiellement en raison de nombreuses responsabilités qu'elles assument déjà seules en famille. Ceci en plus parfois des attitudes misogynes de leurs hiérarchies.
Elles évoluent brillamment jusqu'au moment où elles sont appelées à faire un choix, et donc forcément un sacrifice (le plus souvent professionnel), pour se heurter au "plafond de verre", ces barrières invisibles et contraintes sociales dont on ne parle jamais. Ce qui fait dire à leurs concurrents, confinés dans des stéréoptypes, qu'elles ne sont pas faites pour ces niveaux de responsabilité.