La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a demandé lundi aux Nations unies d'autoriser l'opération navale européenne au large de la Libye à contrôler l'embargo sur les armes imposé à ce pays depuis 2011.
S'exprimant devant le Conseil de sécurité, elle l'a exhorté à adopter une résolution, actuellement en discussion, «autorisant l'opération Sophia à appliquer l'embargo de l'ONU sur les armes en haute mer au large de la Libye».
«J'espère que ce Conseil fera une nouvelle fois le bon choix et nous aidera à faire de la Méditerranée un endroit plus sûr pour tous», en adoptant ce texte qui va étendre le mandat de l'opération navale européenne, a-t-elle ajouté.
Le projet de résolution, obtenu par l'AFP, autorise pendant une période de douze mois les bâtiments de guerre européens à «inspecter sans tarder en haute mer au large de la Libye les navires venant de Libye ou y allant» et qui sont soupçonnés de transporter des armes et des équipements militaires.
La plupart des armes entrant en Libye ne vont pas au gouvernement légitime, mais à son rival ou à divers groupes armés et milices.
Renforcer l'embargo aiderait le nouveau gouvernement d'union nationale libyen à asseoir son autorité, d'autant qu'il est question de permettre à ce gouvernement de bénéficier d'exemptions pour acquérir certains armements.
A ce propos, la résolution «affirme que le gouvernement d'union peut soumettre des demandes d'exemption» afin que son armée puisse combattre plus efficacement le groupe Etat islamique ou d'autres groupes affiliés à Al-Qaïda. Ces demandes devront être «examinées rapidement».
La France, à l'origine de ce texte avec le Royaume-Uni, espère son adoption «le plus tôt possible», selon son ambassadeur François Delattre. Son homologue britannique Matthew Rycroft table sur «une semaine ou deux».
Devant le Conseil, le représentant de l'ONU en Libye Martin Kobler a déploré que «les armes abondent en Libye: 20 millions d'armes pour 6 millions d'habitants». «Ces armes nourrissent le conflit et les livraisons doivent cesser», a-t-il affirmé, sauf «à destination des forces régulières après accord» de l'ONU.
Il a aussi mis en garde contre «un manque de coordination sur le terrain dans les opérations (contre l'EI) qui pourrait provoquer des affrontements directs entre les différentes forces» combattant le groupe jihadiste.
Pour l'instant, l'opération européenne se limite à la haute mer et vise à lutter contre les passeurs qui incitent des milliers de migrants à tenter la traversée vers l'Europe au péril de leur vie.
L'étendre aux eaux territoriales libyennes nécessiterait l'accord des autorités libyennes.
Outre l'application de l'embargo, les Européens envisagent d'entraîner les garde-côtes libyens mais cela se fera de manière bilatérale.
L'ambassadeur russe aux Nations unies Vitali Tchourkine a indiqué à des journalistes que son pays «n'était pas opposé» au projet de résolution mais qu'il avait «des préoccupations».
Moscou souhaite en particulier éviter à l'ONU de «prendre parti pour un camp ou l'autre» en Libye.
«La priorité numéro un est de mettre en place des autorités adéquates en Libye», a-t-il estimé. Il a rappelé que le nouveau gouvernement d'union nationale, qui étend peu à peu son autorité sur le pays, n'avait toujours pas reçu l'aval formel du Parlement.
M. Kobler a de son côté exhorté «le président du Parlement à assumer ses responsabilités et à convoquer une session parlementaire, sans intimidation ni menace, pour voter sur le gouvernement d'union».