Des médecins spécialistes ont mis en garde contre la circoncision des garçons hémophiles en dehors du milieu hospitalier en raison des risques et complications qui pourraient être engendrés par une telle pratique.
Le docteur Djamila Nadir, sous-directrice chargée des maladies chroniques au ministère de la Santé, recommande aux familles de garçons atteints de maladies du sang, notamment d'hémophilie, s'apprêtant à les circoncire comme il est de coutume durant le mois de Ramadhan, à le faire en milieu hospitalier, afin d'éviter d'éventuelles complications telles que les hémorragies pouvant entraîner la mort et d'autres infections non moins dangereuses.
L'hémophilie est une maladie héréditaire qui touche principalement les garçons. Elle se traduit par une incapacité du sang à coaguler chez les personnes atteintes, en raison de la déficience des facteurs de coagulation 8 et 9. Si un sujet hémophile chute, des ecchymoses apparaissent au niveau de ses articulations accompagnées de douleurs aigues et d'hémorragies.
L'hémophilie A (facteur 8 déficient) et l'hémophilie B (facteur 9 déficient) sont parmi les maladies du sang les plus répandues dans le monde arabe.
L'administration par voie intraveineuse des facteurs déficients (facteur 8 ou facteur 9) permet d'obtenir une activité coagulante suffisante pour arrêter, voire prévenir, l'hémorragie.
La responsable a rappelé le guide produit par le ministère de la Santé en 2017 sur les moyens de prévenir les hémorragies chez les hémophiles et l'administration par voie intraveineuse des facteurs de coagulation déficients.
Outre les malades et leurs familles, le guide s'adresse également aux médecins généralistes et spécialistes, au corps paramédical et au mouvement associatif activant dans ce domaine.
Le guide donne des instructions en vue d'améliorer l'organisation de la prise en charge de cette catégorie de la société, dans le cadre d'un réseau de proximité, à même de faciliter son insertion au sein de la société, notamment en termes de scolarisation, de formation et de travail.
De son côté, la présidente de l`Association nationale des hémophiles, Latifa Lamhen, a appelé les médecins praticiens et les chirurgiens devant effectuer des opérations de circoncision à «la nécessité de faire des analyses médicales pour les enfants à circoncire», incitant par la même, le ministère de la Santé au «renforcement des campagnes de sensibilisation en direction des citoyens, afin que ces derniers renoncent aux méthodes traditionnelles de circoncision et d'y procéder tout au long de l'année».
A son tour, Dr Meriem Benseddouk, Maître-assistant au service d'hémopathie au CHU Hassani Assad de Béni Messous (Alger), a salué l'ouverture de plusieurs centres, à travers tout le territoire national, chargés de la prise en charge des patients hémophiles, tandis qu'elle était assurée uniquement par le centre de Béni Messous, contribuant ainsi à l'amélioration des soins.
Toutefois, la spécialiste a mis en garde contre les complications de cette maladie en cas de manque de soins ou en cas de de dysfonctionnements, pouvant causer au patient un handicap moteur «irréversible».
Elle a appelé, à ce titre, à effectuer un dépistage précoce de cette pathologie, d'autant plus que les porteurs du gène responsable de l'hémophilie pourrait «souffrir d'hémorragie, dès leur tendre enfance, de façon spontanée ou suite à un choc ou une chute».
Elle a, en outre, fait état du recensement de 2.300 hémophiles jusqu'à l'année 2017 à travers tout le territoire national.
De son côté le Dr. Mme Karima Chemoukh, spécialiste au niveau de la Banque du sang et chargée du diagnostic des maladies de sang a noté que de nombreuses familles procèdent, sans analyses médicales préalables, à la circoncision de leurs enfants à un âge précoce ne permettant pas de diagnostiquer ces maladies, pouvant ainsi causer une hémorragie mortelle.
Pour sa part, la présidente de l'Association des Hémophiles de Laghouat, Choucha Souad a déploré le danger auquel a été exposé un nouveau-né durant sa première semaine suite à l'insistance de sa famille de le circoncire au mois de Ramadhan, expliquant que l'enfant a fait une hémorragie qui, sans l'intervention urgente du corps médical et la proximité de l'établissement hospitalier, aurait pu lui coûter la vie, et tout cela à cause de l'absence d'analyses médicales préalables.
Parmi les difficultés de la prise en charge de certains malades dans la région, Mme Choucha a cité l'insuffisance des campagnes de sensibilisation auprès des nomades et des populations des régions éloignées des centres médicaux, qui continuent à pratiquer la circoncision traditionnellement en l'absence de toutes règles d'hygiène et sans analyses médicales préalables.
Dans ce contexte, elle a fait état de la mise en place en coordination avec la Direction de la Protection civile de la wilaya d'un plan fixant les lieux de circoncision par des médecins bénévoles, durant la 27ème nuit du mois sacré, au profit des enfants atteints d'hémophilie dans les zones enclavées.
APS