A un mois de l'expiration du délai du dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle du 18 avril 2019, 181 postulants ont retiré les formulaires de signature depuis la convocation du corps électoral, un chiffre record par rapport à la présidentielle de 2014 qui avait enregistré une centaine de prétendants.
En effet, 181 postulants à la candidature, soit 14 chefs de partis politiques et 167 prétendants indépendants, ont procédé au retrait des formulaires de souscription de signatures individuelles, selon le dernier bilan du ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire.
En revanche, en 2014, une centaine de postulants avaient retiré les formulaires de souscription au niveau de ce même ministère.
Ce nombre de prétendants à la candidature s'explique par le fait que la Constitution permet à tout citoyen algérien de prétendre à la magistrature suprême de l'Etat, comme énoncé à l'article 87-32 de la Loi fondamentale du pays. Celle-ci stipule, en effet, que pour être éligible à la Présidence de la République, le candidat doit notamment jouir uniquement de la nationalité algérienne d'origine, être de confession musulmane et avoir 40 ans révolus au jour de l'élection.
En plus de la Constitution, la loi organique relative au régime électoral énonce un nombre de conditions pour la candidature à la présidence de la République. En ce sens, le candidat doit présenter soit une liste comportant au moins 600 signatures individuelles de membres élus d'Assemblées populaires communales, de wilayas ou parlementaires, réparties à travers 25 wilayas au moins, soit une liste comportant 60.000 signatures individuelles, au moins, d'électeurs inscrits sur une liste électorale.
Le nombre minimal des signatures exigées pour chacune des wilayas ne saurait être inférieur à 1.500.
Malgré toutes ces conditions, le nombre de candidats déclarés demeure "très élevé" comparativement à 2014. Il est, toutefois, relevé qu'en 2014, seulement 6 postulants avaient réussi à satisfaire les conditions prévues par la loi, notamment la collecte de signatures pour déposer leurs dossiers au niveau du Conseil constitutionnel dans les délais réglementaires.
Il s'agit du président du Front national algérien, Moussa Touati, du président du Front El-Moustakbel (FM), Abdelaziz Belaïd, du président de AHD 54, Faouzi Rebaïne, de la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, du président sortant, Abdelaziz Bouteflika et de l`ancien chef du gouvernement, Ali Benflis.
Imposer des conditions pour limiter la surabondance de candidats
Compte tenu du nombre élevé de candidats, des officiels, des politologues et des juristes ont estimé que des conditions doivent être imposées afin de "limiter cet afflux" et la "surabondance de candidats".
Le premier responsable à s'exprimer de manière officielle sur ce sujet, c'est M. Ahmed Ouyahia lors d'une conférence de presse qu'il animée ce samedi en sa qualité de secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), au cours de laquelle il souligné la nécessité de mettre en place de nouvelles conditions pour les postulants à la candidature à la magistrature suprême du pays.
M. Ouyahia a qualifié de "douloureuses" les images relayées par les médias et les réseaux sociaux du grand nombre des candidats à la candidature à la prochaine élection présidentielle, précisant que le nombre élevé de ces postulants et leurs profils "nécessitent la mise en place de nouvelles conditions" de candidature au poste de président de la République.
Il a également déploré le rôle de certains médias qui ont contribué à amplifier ce phénomène, estimant le Conseil constitutionnel retiendra en fin de course moins d'une dizaine de dossiers.
Contacté par l'APS, M. Ameur Rekhila a estimé que des conditions doivent être imposées aux prétendants à la candidature, citant à cet effet les exemples de la Turquie dont la constitution de 1980 exige un diplôme universitaire, ou encore de la Tunisie où le candidat doit déposer une caution pour se porter candidat.
En ce sens, Me Rekhila a mis l'accent sur la nécessité de revoir les conditions de candidature, relevant toutefois que cette mission doit être confiée au législateur qui aura pour mission de fixer des conditions pour chaque élu, que ce soit pour la présidence de la République, le parlement ou les assemblées locales (APW et APC).
S'exprimant sur "l'afflux" des candidats à la candidature, Me Rekhila a estimé que certains postulants aux "ambitions démesurées ont été surmédiatisés en raison de leurs déclarations qui sont souvent insolites", faisant observer aussi que "des médias relayés par les réseaux sociaux ont amplifié les sorties médiatiques de ces anonymes prétendants candidats".
Tout en précisant que "cette situation n'est pas propre à l'Algérie, car l'Egypte avait enregistré un millier de candidats la candidature", M. Rekhila a appelé à "préserver l'image de l'Algérie et de l'institution de la présidence de la République".
La juriste Nadia Ait Zaï a estimé quant à elle, que postuler à la présidence de la République est un principe consacré par la Constitution et contenu dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Elle a, toutefois, fait observer que, compte tenu du nombre de candidats enregistré jusque-là, il serait préférable de réfléchir à des conditions, citant, à titre d'exemple, la nécessité pour un candidat de "justifier d'une expérience de militant dans le mouvement associatif ou partisan même s'il ne justifie pas d'un niveau universitaire"
De son cote, le président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Abdelwahab Derbal a expliqué que "la loi garantit le droit à la candidature à tous les Algériens répondant aux conditions requises", estimant que ce nombre important constituait "un pas positif qui signifie que le citoyen est libre" de se présenter à l'élection. Il a appelé, dans ce cadre, les intellectuels à "contribuer à l'information et à la sensibilisation de la société".