Les journalistes ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis des convocations de certains d'entre eux par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), demandant l'abandon des poursuites dans le dossier des armes françaises utilisées au Yémen, au nom de l’intérêt public et de la liberté d’informer.
Dans une lettre ouverte au procureur de la République, un collectif constitué d'avocats, de syndicats et des organisations professionnelles s'est élevé contre les auditions de journalistes ayant travaillé sur les ventes d'armes à l'Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis.
"Nous écrivons en qualité d’avocats, d’organisations professionnelles et de syndicats, pour vous demander solennellement de mettre un terme à la procédure ayant conduit d’ores et déjà à l’audition des journalistes pour une supposée violation du +secret-défense+ concernant la vente par la France d’armements utilisés au Yémen", ont-ils souligné, qualifiant ces convocations par la DGSI d'"ingérence" dans leur mission d'informer.
Le collectif a rappelé que le droit à la liberté d’expression, tel qu’il résulte de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, "comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques", soutenant que cette "ingérence" est "manifestement caractérisée" lorsque des journalistes sont entendus alors qu’ils se bornent à exercer leur mission d’informer et qu’ils concourent au droit d’accès à l’information sur un débat d’intérêt général.
"C’est incontestablement le cas s’agissant des journalistes qui réalisent des investigations sur la fourniture et l’usage d’armes françaises au Yémen", a-t-il précisé, notant que les auditions des journalistes sont perçues comme une "initiative susceptible de brider la liberté d’information".
Pour le collectif, "le fait que la DGSI, service administratif avec des fonctions de police judiciaire, interroge des journalistes est par nature susceptible de porter atteinte au secret des sources, qui est pourtant la garantie de la liberté de la presse, condition indispensable de la démocratie", soulignant qu'il incombe au pouvoir exécutif de "décider ou non de classifier des informations".
"C’est dans ces conditions que nous vous demandons de mettre un terme aux auditions et éventuelles poursuites contre les journalistes en cause", a-t-il déclaré dans sa lettre ouverte, dont une copie a été adressée au président Emmanuel Macron, au secrétaire général du Conseil de l’Europe, au Haut-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies et au rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression de l’ONU.
Dans un communiqué, Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé les convocations de journalistes par la DGSI les qualifiant de "stratégie d'intimidation" des médias.
"Huit convocations de professionnels des médias par la DGSI en quelques semaines, une stratégie d’intimidation des médias semble à l’úuvre dans les services de la sécurité intérieure", a indiqué cette ONG qui défend le libre exercice du métier de journaliste.
Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a déclaré à cet effet qu'"il faut craindre qu’avec ces convocations les autorités cherchent à intimider les journalistes et leurs rédactions et à identifier leurs sources de manière à les sanctionner ou à les dissuader".
Mercredi, un rassemblement à l’initiative du Syndicat national des journalistes (SNJ-CGT) s’est tenu pas loin du siège de la DGSI à Paris, signale-t-on.