« Il est très difficile, voir pratiquement impossible de pister et de rapatrier les capitaux en fuite à l’étranger», a indiqué à Radio Algérie Multimédia (RAM) le professeur en sciences économiques Rezzigue Kamel de l’Université de Blida. Et pour cause, expliquera-t-il, « les détenteurs de l’argent détourné utilisent des prête-noms pour ne laisser aucune visibilité autour de cet argent cumulé durant des années de vols, de dilapidation et de détournement via des surfacturations ou de par des sociétés écrans dont la destinée finale est les paradis fiscaux ou vers des pays pour le moins complices dont l’économie est florissante grâce à cet argent qu’abritent les banques de ces mêmes Etats tacitement complices».
Toutefois, l’invité de la RAM exhorte les pouvoirs publics à user de toutes les voies et moyens légaux pour dénicher ces fortunes à l'origine de la saignée la trésorerie nationale, causant des crises à dommages collatéraux tant au niveau de la finance que la société et pour l’investissement.
Se disant confiant quant à la récupération de l’argent enfoui dans des montages internes tels que des entreprises, du foncier agricole ou sous forme d’actions sous forme de partenariats à des fins de blanchiment d’argent, M. Rezzigue déplore sur ce plan la lenteur des procédures administratives et juridique.
Le gouvernement aura, selon lui, à mener une vraie guerre juridique et diplomatique pour savoir combien et où se trouve cet argent, rappelant au passage le parcours de combattant dans l’affaire Khalifa qui a duré 7 ans sans pour autant aboutir à ramener les 12 milliards de dollars expatriés.
S’agissant de la coopération avec des Etats ayant exprimé leur disposition à aider l’Algérie sur ce registre, M. Rezzigue estime que « c’est quasiment impossible de compter sur ces Etats dont le système bancaire, et par ricochet leurs économies, reposent essentiellement sur cet argent frappé du cachet ultra confidentiel ». Et d’ajouter : « est-ce que l’Irak, la Tunisie ou la Syrie ont pu récupérer l’argent détourné ? » Il y a des Etats, explique-t-il, dont l’économie est basée sur cet argent sale et mal acquis justement ne vont pas céder l’argent détourné pour nos beaux yeux. Pour cela il préconise « une solution algérienne » qu’il résume par l’empêchement des voleurs à jouir de ces fortunes durant toute leur vie.
Le dilemme des échéances politico-financières
Le problème qui urge reste les échéances dans l’agenda gouvernemental à respecter quant à l’élaboration du projet de loi de finances. Ledit projet doit être finalisé avant le 31 août 2019 afin d’être dans l’optique des prévisions projetées précédemment. « Mais sur quelle base va-t-on arrêter le prochain projet de loi de finances et le défendre devant le parlement ? », s’est interrogé M. Rezzigue en se demandant d’"où va-t-on ramène l’argent nécessaire pour boucler l’année au 31 décembre 2019 afin de couvrir les comptes de l'exercice en cours.
« Déjà on est devant des difficultés pour terminer l’exercice 2019, alors que dire de la loi de finance de 2020, sachant l’arrêt de la planche à billets ». En plus des 2000 entreprises en bâtiment qui ont remis leurs bilans, c'est-à-dire 150 mille postes d’emplois. Et d’avertir « si on garde les mêmes principes d’élaboration d’une loi de finance on aura un grave déficit financier »
Le prochain gouvernement légitime héritera d’un cadeau empoisonné de l’équipe Bedoui qui partira tôt ou tard. Comment va-t-on faire face ramener l’argent pour les dépenses de fonctionnement et d’équipement pour le prochain gouvernement qui se verra confronté à un exercice catastrophique pour le reste de l’année et l’an prochain.
"Il faut accélérer le processus politique dans les plus brefs délais car la raison économique prime plus sur le politique dont un gouvernement légitime est un impératif pressant".
Un exercice difficile
"L’an 2020 sera une année très difficile pour l’Etat que l’année 2019", fait-il savoir et d'alerter que " tous les signaux sont au rouge tant sur le plan économique que sur le plan social".
A la question de savoir si le recours à l’argent des fonds spéciaux dont certains sont déjà dissouts par le gouvernement, l’orateur préconise qu’« il faut trouver plutôt d’autres sources de financement des grands projets pour apaiser le fardeau du déficit énorme qu’encourt l’Etat ».
Il adhère à l’idée du report de certains projets pour minimiser les dépenses. Aussi pour réaliser le programme de l’Etat, un financement mixte tel pour le projet du port de Cherchell s’impose, céder la gestion de l’autoroute – par exemple - à un financier quasiment privé également ou encore financer d’autres projets en partenariat entre Etats.