Stephen Zunes, professeur de politique à l'Université de San Francisco estime que l'annonce du président sortant américain, Donald Trump, sur une reconnaissance de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental "porte préjudice à la réputation des Etats-Unis" et placerait le président élu Joe Biden "dans un dilemme".
La reconnaissance par Trump de la prétendue souveraineté d'un Etat africain (Maroc) sur le Sahara occidental (un autre Etat africain) "non seulement porte préjudice à la réputation des Etats-Unis dans le continent africain, mais de surcroit encourage d'autres pays de croire qu'ils peuvent s'en tirer avec une expansion territoriale", écrit Stephen Zunes, dans une analyse publiée par le Washington Post dans son édition numérique du 15 décembre, sous le titre "l'accord de Trump relatif à l'annexion marocaine du Sahara occidental risque d'aggraver les conflits dans le monde".
Pour autant, l'auteur estime également que la reconnaissance par Trump de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, "placerait aussi le président élu Joe Biden dans un dilemme lorsqu'il accèdera à la Maison Blanche le mois prochain".
Il souligne à cet égard que si le prochain président pourrait annuler la reconnaissance par les Etats-Unis de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental "d'un trait de plume", le régime marocain pourrait en réaction renoncer à la normalisation des relations avec Israël.
Donc, poursuit l'analyste américain, le président Biden se trouverait "sous une pression considérable pour ne pas saper ce que beaucoup considèrent comme une avancée importante".
Evoquant la position de certains membres influents de la classe politique américaine, le journaliste du Washington Post indique que même de puissants membres "pro-israéliens" du Congrès ont exprimé des inquiétudes quant à la déclaration de Trump, à l'instar du président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre, Eliot L.
Engel, qui a noté que la décision de Trump "bouleverse un processus onusien crédible et international".
De même que le sénateur Jim Inhofe, président de la commission sénatorial des services armés, qui a déclaré qu'il était "attristé par le fait que les droits du peuple sahraoui aient été troquées", considérant la déclaration de Trump comme "choquante et profondément décevante".
Après un bref rappel historique de la question du Sahara occidental et du processus onusien visant le règlement du conflit, Stephen Zunes souligne dans son article, que les violations des droits de l'Homme (la torture, la violence, la détention sans procès et les exécutions extrajudiciaires...) commises par les forces d'occupation marocaines à l'encontre des militants pacifiques sahraouis sont documentées par des ONG réputées telles que Human Rights Watch, Amnesty International et d'autres groupes de défense des droits humains.
Il cite, à cet effet, l'ONG américaine Freedom House qui a classé le Sahara occidental occupé par le Maroc parmi les "pires des pires (worst of the worst) en matière de suppression des droits politiques et des libertés civiques, en ajoutant que "les journalistes étrangers et les délégations internationales se voient régulièrement refuser l'entrée aux territoires occupés du Sahara occidental ou sont maintenus sous "stricte surveillance".
Abordant le statut juridique du Sahara occidental en tant que territoire non autonome, Stephen Zunes a souligné l'impératif d'un référendum d'autodétermination supervisé par la communauté internationale à "condition de proposer dans ce référendum l'indépendance comme option au peuple sahraoui".
Toutefois, "le Maroc et maintenant les Etats-Unis ont catégoriquement exclu cette option", considère-il.
L'auteur ensuite rappelle que depuis la proclamation par le Front Polisario de la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976, un nombre de 84 pays ont reconnu le Sahara occidental comme un Etat indépendant, en précisant que la RASD "demeure un Etat membre à part entière de l'Union africaine", dont la Charte interdit les changements de manière unilatérale des frontières héritées de la période coloniale.
L'auteur conclut enfin son article en soulignant que "l’inadmissibilité pour tout pays d'étendre son territoire par la force est un principe de longue date du droit international", estimant qu'une normalisation des relations entre Israël et des Etats arabes "ne peut se faire au prix de la remise en cause d'un principe juridique international aussi fondamental".