La fête du printemps, une tradition ensoleillée et revigorante

Célébré depuis des temps immémoriaux entre la fin du mois de février et le début du mois de mars, l’avènement du printemps donne lieu, dans la région de Sétif, à toutes sortes de réjouissances saluant le retour du soleil et la réviviscence des verts pâturages.

La préparation de la « M’bardja », une succulente pâtisserie en forme de losanges constituée de galette de semoule fourrée de « ghars » des dattes écrasées, constitue l’un des moments forts de cette fête ancestrale qui marque aussi la communion de l’homme avec la nature.

De nombreuses familles profitent, en effet, de ce jour, appelé ici « Chaou Errabie » pour « déferler » par grappes entières vers la campagne ou vers des coins de verdure, pas trop éloignés des villes, qui par voiture, qui par bus, pour se ressourcer, oublier le tintamarre des ensembles urbains et s’offrir un moment de villégiature.

Car ce sont les sorties champêtres en famille qui caractérisent la fête du printemps, la M’mardja n’étant jamais aussi délicieuse, paraît-il, que lorsqu’elle est dégustée sur l’herbe lors de pique-niques improvisés au cours desquels les enfants trouvent aussi leur compte.

Le jeu favori de ces derniers, lors de ces sorties, est de profiter de la moindre petite pente pour faire rouler la « Gorsa », une petite galette dorée aux œufs et richement décorée transportée dans de petits paniers en osier contenant également un bouquet de jonquilles, quelques friandises et une orange.

« Pour moi, c’est le bonheur absolu que de voir mes enfants gambader librement en pleine nature, loin du tumulte de la ville, et courir gaiement derrière leur « Gorsa , la comparer à celle de leurs copains pour la déguster ensuite en partageant des morceaux », lance, les yeux brillants, Habiba, venue avec mari et enfants sur les berges verdoyantes du lac de la retenue collinaire de Zaïri, près de Sétif.

« Ce sentiment de liberté est vivifiant car il nous permet de respirer de l’air pur et d’échapper, pour quelques heures, à la routine, aux tâches ménagères et au stress qu’engendre la vie dans les cités », ajoute cette quadragénaire sans quitter des yeux ses deux enfants de cinq et huit ans qui se sont faits de nouveaux camarades de jeux.  

D’ailleurs, de nouveaux liens se tissent entre mères de famille qui se découvrent une âme bucolique au cours de ces sorties qui durent parfois jusqu’à la tombée du jour, donnant lieu à des papotages qui n’en finissent plus, les unes échangeant des recettes de cuisine, les autres dissertant autour des choses de la vie.

Les hommes ne sont évidemment pas en reste. Regroupés à l’abri du regard des épouses, mais sans se départir de leur vigilance vis-à-vis de leur bruyante progéniture, ils ne se lassent pas de tailler le bout de gras, de disserter à tout-va,  de faire et de refaire le monde. Tout y passe, le football, la politique, la cherté de la vie.

Abdelaziz (50 ans), l’époux de Habiba, fonctionnaire à la direction des impôts, n’échangerait « pour rien au monde » ce moment privilégié qui lui permet de s’évader, de ne plus entendre les « coups de sang du chef » et d’oublier les « épuisantes colonnes de chiffres » tout  en donnant libre cours à sa loquacité. 

Un peu plus loin, d’autres familles organisent de grandes collations et  des repas champêtres, où la « M’bardja » est reine. Des agapes que les enfants dédaignent, préférant improviser toutes sortes de jeux, se dépenser et jacasser à qui mieux mieux en profitant  du soleil sur les champs verdoyants.

La fête du printemps sur les Hautes plaines sétifiennes continue d’avoir des adeptes restés fidèles aux traditions ancestrales. Une fête nullement entamée par les nouvelles obligations nées de la modernisation, comme il est loisible de le constater, d’année en année.

C’est aussi le moment de rompre avec la monotonie, de se retrouver et de renouer avec les amis et les proches à une époque où le « chacun pour soi » semble avoir supplanté la vie en communauté et la convivialité qui ont de tous temps caractérisé l’art de vivre à l’algérienne.

Ce n’est assurément pas le moindre des mérites de « Chaou errabie », même si cela ne dure qu’une journée.

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