La ministre espagnole des Affaires étrangères a convoqué mardi l'ambassadrice marocaine en Espagne, Karima Benyaich pour lui exprimer le "mécontentement" des autorités espagnoles après l'arrivée de près de 8000 migrants dans l'enclave de Ceuta.
"Je lui ai rappelé que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l'Espagne et du Maroc", a déclaré Arancha Gonzalez Laya.
Face à la gravité de la situation, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, s'est rendu à Ceuta pour s'enquérir de la situation dans l'enclave, selon des images mises en ligne par le journal local. Il devait ensuite se rendre à Melilla, l'autre enclave espagnole située sur la côte méditerranéenne du Maroc.
"Nous allons rétablir l'ordre dans (la) ville et à nos frontières le plus rapidement possible", avait-il déclaré plus tôt lors d'une brève allocution télévisée depuis Madrid.
Les relations entre Rabat et Madrid se sont tendues depuis l'arrivée en Espagne, le 18 avril, du président de la République sahraouie, Brahim Ghali pour y être soigné du Covid-19. La cheffe de la diplomatie espagnole qui a défendu la présence du chef d'Etat sahraoui a implicitement dénoncé le chantage exercé par le Maroc qui agite la menace de l'immigration clandestine pour faire pression sur l'Espagne dans le dossier sahraoui.
"Je ne conçois pas que l'on puisse mettre en danger la vie de mineurs dans la mer comme nous l'avons vu ces dernières heures à Ceuta", que cela puisse être "une réponse à une action humanitaire (l'accueil du président sahraoui en Espagne)", a-t-elle affirmé.
Cet afflux de migrants marocains a également suscité la réaction de la classe politique espagnole. Tout en condamnant le flux migratoire partant du Maroc, plusieurs formations politiques ont appelé les autorités marocaines à assumer leurs responsabilités et agir vite et efficacement.
Le porte-parole de la Coalition Caballas, Mohamed Ali, a mis en garde contre la "gravité" de ce qui s'est passé et a annoncé qu'il serait à la disposition du gouvernement de Ceuta pour exiger que le gouvernement accorde la "plus grande attention" à Ceuta. "Notre terre ne devrait pas souffrir du différend de politique étrangère entre l'Espagne et le Maroc", a-t-il déclaré.
La dirigeante du Mouvement pour la dignité et la citoyenneté "MDyC", Fatima Hamed, a qualifié ce qui vient de se produire de "drame", soulignant que la ville de Ceuta n'est pas prête à accueillir autant de monde et à faire face à un tel phénomène. "Ceuta n'est pas préparée à des situations pareilles", a-t-elle déclaré sur son compte Twitter.
De son côté, la section du parti Vox à Ceuta a sévèrement critiqué la passivité des autorités marocaines face à un tel drame, appelant le gouvernement à dépêcher "d'urgence l'armée et de la marine à la frontière avec le Maroc pour freiner la pression migratoire".
Le président de Vox Ceuta, Juan Sergio Redondo, a rappelé que sa formation n'a jamais cessé de mettre en garde contre le "chantage du Maroc", rappelant que l'Espagne devrait dénoncer le Maroc devant les instances internationales pour que le pays soit sanctionné économiquement et politiquement".
Condamnant l'afflux des migrants marocains, le chef du Parti populaire au niveau national, Pablo Casado a appelé le gouvernement espagnol "à garantir immédiatement l'intégrité des frontières et à coordonner avec le Maroc le retour des immigrés dans leur pays".
Près de 8.000 migrants sont arrivés depuis lundi matin dans l'enclave de Ceuta, dont 4.000 ont été renvoyés au Maroc, selon les chiffres actualisés publiés mardi par le ministère espagnol de l'Intérieur.
Le ministère a par ailleurs annoncé l'envoi de nouveaux renforts des forces de l'ordre sur place pour faire face à l'afflux massif et soudain de milliers de migrants en provenance du Maroc.
Cinquante agents supplémentaires vont être déployés en plus des 200 déjà envoyés mardi tandis que 150 autres seront en stand-by, toujours dans le cadre de cette crise migratoire.