Ecrire en lettre de sang les massacres du 17 octobre 1961

Écrite en rouge sang sur le front de toute tendance oublieuse, la date du 17 octobre 1961 s’avère transhistorique, transgénérationelle. Le mythe tant réinventé d’une Algérie française s’est effondré sous la force des voix d’opprimés sacrifiés en offrande à la barbarie policière. 

Un mardi pluvieux, les grandes artères de la capitale saturées, les défilés regagnent les monuments les plus importants, des milliers d’Algériens répondent ainsi aux appels du FLN et manifestent, pacifiquement, pour l’indépendance de l’Algérie. Plus de 11 000 arrestations  se sont effectuées au cours de la nuit du 17 au 18 octobre. Le nombre de morts n’est pas communiqué, aujourd’hui estimé à plus de 300, mais les blessés se comptent par centaines. La Seine, cœur battant de Paris, étouffe de sang et de corps désarticulés, au point de crier : « Ici, on noie les Algériens. »

La presse française, en s’autocensurant, s’est appuyée sur le communiqué de Maurice Papon qui annonce qu’une foule d’Algériens a dû participer « sous la contrainte du FLN » à une manifestation et que « des coups de feu avaient été tirés sur les forces de police qui avaient répliqué. » Cette surenchère historique a bel et bien été retenue par la mémoire nationale. L’indignation de l’opinion publique internationale n’a pas manqué de réagir. Des journalistes, historiens, intellectuels à l’image de Pierre Bourdieu, ont essayé d’interroger ces faits survenus sur le sol français, qualifiés par des témoins de « la plus dure répression de l’Europe contemporaine. »

Interdiction de constitution de commission d’enquête, saisi des journaux, interpellations, arrestations de témoins, c’est dans ce climat de violence que l’oubli du 17 octobre 1961 a été institué. Or, la mémoire ne s’est pas tue, les appels à la condamnation et la reconnaissance de ce crime fusaient de partout. 

En 2017, à la veille de la commémoration du 57e anniversaire de ces massacres, une pléiade d’intellectuels et militants français a lancé une pétition dans laquelle ils demandaient la reconnaissance et la condamnation des événements du 17 octobre 1961 de « Crime d’État. » « Ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d’Algérie, à savoir le racisme, l'islamophobie dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières », lit-on dans la pétition.

 

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