Bouteflika, a adressé samedi un message à l'occasion de la célébration de Yaoum El Ilm (16 avril). En voici la traduction APS.
"Mesdames, messieurs,
Comme j'ai eu l'occasion de le dire en pareille circonstance, "cette ville a un attrait tel que ses visiteurs, à peine l'ont-ils quittée, sont pris d'une nostalgie qui les y ramène toujours" et moi même, comme vous le savez, j'y suis retourné maintes fois. Le savoir semble avoir trouvé refuge dans votre ville et en a fait sa citadelle à tel point que nul ne peut imaginer que le savoir et Constantine puissent se dissocier un jour.
Nul doute que la manifestation "Constantine, capitale de la culture arabe", qui a fait de votre ville la capitale de l'ensemble des pays arabes, a été pour vous source de joie et fierté. Vous pouvez vous enorgueillir car elle a été, durant toute une année, un espace de rencontres et d'interaction où se sont côtoyées les élites arabes du Mashreq et du Maghreb pour échanger autour des arts, du savoir et de la culture, mettant en exergue leur richesse et leur diversité, et où se sont renforcés les liens naturels entre l'Algérien et ses frères dans l'espace plus large qui s'étend sur les deux continents que sont l'Afrique et l'Asie.
Si cette année a été riche en production culturelle, tout le mérite en revient à ces hommes et à ces femmes qui ont contribué à son succès par leurs apports et leurs œuvres et auxquels nous rendons hommage.
Mesdames, messieurs,
L'histoire de l'Algérie retiendra que l'enseignement était florissant et les structures dédiées à l'instruction et au savoir étaient légion avant l'invasion de l'Algérie par la France en 1830. Des faits attestés par les historiens occidentaux intègres qui se sont penchés sur la situation en Algérie, notamment durant la période antérieure à l'occupation française abjecte.
Mais la tendance a été totalement inversée: au crépuscule du 19e siècle, l'analphabétisme orchestré par l'administration coloniale avait gagné la majorité des Algériens comme en témoigne l'accroissement considérable du taux d'analphabétisme qui a atteint 60 % de la population au lendemain du recouvrement par l'Algérie de sa souveraineté en 1962.
A vous de méditer, Algériennes et Algériens, cet étonnant paradoxe consacré par l'entreprise coloniale française : une société paisible, alphabète et jouissant du savoir qui se transforme, sous l'occupation obscurantiste, en une société primitive, arriérée et coupée des lumières du savoir.
Conscient que son seul et unique ennemi était le savoir qui sous-tend tout mouvement salutaire d'édification sociale et civilisationnelle, l'odieuse administration coloniale s'est acharnée, un siècle et quart durant, à semer l'ignorance au sein du peuple, n'hésitant pas à détruire les écoles, les zaouïas et les mosquées ni a brûler les bibliothèques à travers tout le pays. L'exemple le plus éloquent est incontestablement la manière dont elle a achevé son occupation abjecte, à savoir l'incendie de la bibliothèque de l'Université d'Alger en avril 1962, le mois où nous célébrons "Yaoum El Ilm". Cette politique funeste a provoqué la mort d'Oulémas algériens, enseignants et d'élèves de lycées et d'étudiants d'universités et j'en passe.
Bien pire, l'administration coloniale a œuvré à l'abêtissement des esprits et à la propagation de l'obscurantisme et a cru avoir atteint son but: asseoir son monde à elle et celui des Algériens, confrontés aux affres du colonialisme et de l'occupation.
Cette situation pénible perdura jusqu'au sursaut des Algériens qui, à la fin du 19e siècle, sous l'impulsion d'une élite de jeunes aussi braves que courageux, qui ont rallumé le flambeau du savoir et oeuvré à sa diffusion parmi la population.
Et c'est ainsi qu'Allah gratifia l'Algérie d'un fils de votre ville, un homme qui aspirait à un avenir dans lequel l'Algérien serait à nouveau debout à l'instar de ses semblables en ce monde.
Il s'agit bien sûr d'Abdelhamid Ibn Badis, Essanhadji par affiliation et ascendance. Il avait acquis la conviction que le savoir devait être pour l'Algérien un besoin aussi vital que l'air qu'il respire et que la liberté n'était pas un vain mot mais bel et bien le butin d'une lutte âpre et de longue haleine reposant sur le savoir et la connaissance avant les armes.
Aussi, l'impact de la plume a-t-il devancé le sifflement des balles et vous voilà aujourd'hui jouissant du bienfait de cette entreprise.
Mesdames et Messieurs,
Constantine, et à l'instar des autres villes d'Algérie, célèbre aujourd'hui le 76e anniversaire de la disparition du leader du mouvement réformateur, Cheikh Abdelhamid Ibn Badis. Un moment fort pour le peuple algérien de se remémorer cet illustre savant de notre histoire contemporaine et célèbrer, à cette occasion, Yaoum el Ilm (journée du savoir), devenu une halte annuelle pour s'arrêter sur les différentes étapes franchies sur la voie de notre Imam Abdelhamid Ibn Badis (Puisse Dieu lui accorder Sa Miséricorde).
L'objectif de cette célébration année après année, de Yaoum el Ilm, ne se limite pas à l'évocation de ce leader, exemple de conduite, et de ses compagnons qui ont sacrifié leur vie au service de leur patrie l'Algérie en faisant de la diffusion du savoir et des connaissances, acte salutaire tant en ce bas monde que dans la vie éternelle, un moyen effectif d'émancipation intellectuelle sans lequel l'Algérien n'aurait jamais pu se débarrasser du joug colonial.
Il est donc de notre devoir de souligner tout notre respect et toute notre considération envers ce symbole national et de saisir cette opportunité pour méditer son parcours militant et y puiser leçons et enseignements. Cela contribuera au raffermissement du lien entre notre présent et notre passé pour avancer d'un pas sûr, armé d'une détermination inébranlable, vers le future tout en étant en phase avec notre époque afin de remporter l'enjeu de la modernité sans jamais se détourner ni de notre patrimoine ni de notre authenticité.
Les efforts de Cheikh Abdelhamid Ibn Badis et de ses compagnons au sein de l'Association des Uléma musulmans tendaient tous à déjouer les plans colonialistes visant à annihiler la personnalité nationale et à aliéner les composantes de l'identité du peuple algérien à la faveur desquelles il a pu préserver ses valeurs authentiques et reconstruire son entité nationale jusqu'à se relever, fier et glorieux, devant les autres peuples du monde.
Et c'est à partir de ce socle solide qu'Abdelhamid Ibn Badis a su défendre la langue arabe et la culture algérienne, prenant conscience, dans le même temps et grâce à sa vision percutante, de la dualité naturellement établie entre les dimensions amazighe et arabo-musulmane du peuple algérien.