Les manifestations du 11 décembre 1960 ont été d’une "importance capitale" pour la sensibilisation de l'opinion internationale sur la Question algérienne, affirme l’ancien diplomate, Noureddine Djoudi, rappelant l’impact de la Révolution algérienne sur nombre de mouvements de libération dans le monde.
"Les manifestations populaires du 11 décembre à Alger, mais également dans d'autres villes du pays, étaient d'une importance capitale pour la sensibilisation de l'opinion internationale, d'autant que notre diplomatie de combat avait réussi la prouesse d'arracher l'inscription de la Question algérienne à l'ordre du jour de l'ONU", a déclaré M. Djoudi.
S’exprimant la veille de la commémoration du 40éme anniversaire de ces événements, il a rappelé que cet épisode de la Guerre d’Algérie avait été préparé dès le mois de septembre par une Commission spéciale du FLN "en réponse aux initiatives du Général De Gaulle largement médiatisées en France et à l’étranger", à savoir, détaille-t-il, le Plan de Constantine, la visite de ce dernier à Tlemcen ainsi que des actions "sociales" (distribution de machines à coudre) destinées à gagner l’adhésion des Algériens.
Il a fait encore remarquer à ce sujet que "la propagande des services de sécurité coloniaux menaient également une guerre psychologique en répandant l'idée d'une Armée de Libération nationale (ALN) neutralisée et de populations lasses et indifférentes. Aussi, notre démarche a consisté à révéler au monde entier le vrai visage du colonialisme à travers des démonstrations populaires d’attachement des Algériens à la lutte pour l'indépendance du pays".
En outre, M. Djoudi a tenu à souligner que "la reconnaissance de l'Etat algérien s'est exprimée par des pays arabes, africains et asiatiques ainsi que par Cuba, la Chine de Mao et la Yougoslavie de Tito. De même que par l'Union Soviétique et les pays de l'Est".
En revanche, a-t-il noté s’agissant des Gouvernements occidentaux, la plupart d’entre eux étaient liés à la France dans le cadre de l'OTAN: "Il était donc impossible pour ces pays de manifester un quelconque soutien à l’Algérie, excepté la position claire du Sénateur américain, J.F. Kennedy, qui par sa déclaration en faveur de l'indépendance de l'Algérie, avait irrité au plus haut point le Gouvernement français", a-t-il rappelé encore.
Commentant le rôle de la diplomatie algérienne dans la promotion de la cause de libération, l’ancien diplomate fait observer qu’"en ouvrant, précisément, des représentations diplomatiques dans des capitales comme Rome, Madrid, Berlin, Tokyo ou Londres, le Front de Libération nationale (FLN) a réussi à susciter un large mouvement de sympathie et de réseaux de soutien étrangers".
Celui qui fût le représentant du Front dans la capitale du Royaume-Uni a ajouté, à ce propos, que la médiatisation des événements du 11 décembre 1960 par l’action diplomatique a permis "une meilleure compréhension" de la lutte de libération menée par le peuple au niveau international, tout en "accentuant la pression exercée par les opinions publiques internationales sur leurs Gouvernements": C’est ainsi, a-t-il argumenté, que même dans le pays colonisateur, les événements du 11 décembre 1960 avaient contribué à "renforcer l'opposition" au sein de la population française à "la sale guerre".
Considérant que "les armes seules ne peuvent garantir la paix", l’adepte de la voie diplomatique a fait observer que l’option militaire "a été imposée aux Algériens par un système colonial obtus qui n'avait pour toute réponse aux revendications politiques et pacifiques du peuple algérien que l'usage brutal de la répression".
Et de relever, à ce propos, une "féroce +chasse à l'Arabe+, un +Apartheid non déclaré+ ainsi qu’un génocide et une épuration ethniques", poursuit-il, citant les expéditions sanglantes de décembre 1852 à Laghouat, de mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, en sus de "l'horreur de la torture, le tout s’étant soldé par le massacre de 1 million et demi de martyrs".
Un exemple pour d’autres mouvements de libération
Evoquant, sur un autre plan, l’impact de la Révolution algérienne sur le parcours du leader historique sud-africain, Nelson Mandela, M. Djoudi s’est souvenu que ce dernier "a vite été convaincu, vu les similitudes entre l'oppression du régime de l’Apartheid chez lui et celle exercée en Algérie par l’administration coloniale, que seul l'exemple de l'ALN pouvait être la source d'inspiration qu'il recherchait, selon ses propres termes".
Plus largement, le juriste de formation assure que la Glorieuse Révolution de novembre 1954 "a été et continue d'être l'exemple parfait de la lutte armée contre les régimes coloniaux ou d'oppression, dans la mesure où les mouvements de libération nationale en Afrique s’en sont tous inspirés", citant les cas de l'Angola, du Mozambique, du Cap-Vert, de Sao-Tomé-et-Principe et bien d'autres encore.
Evoquant le conflit au Sahara occidental, qui connaît présentement des développements menaçant le processus de paix, M. Djoudi tient à réitérer la position "de soutien, clair et irrévocable, de l'Algérie à la cause juste du peuple sahraoui" De même, poursuit-il qu’"à l'heure des trahisons ouvertes, latentes ou soigneusement occultées, elle demeure fidèle à ses principes et à son engagement, sans failles, pour la cause aussi juste que sacrée au côté du peuple palestinien".
"Si, à l’époque, les peuples opprimés n'avaient d'autre choix que la lutte armée, face à la puissance administrative ou militaire, aujourd'hui, les choses ont changé", a-t-il commenté, relevant "la conviction de l'Algérie que tout conflit interne à un pays ne peut être réglé que par la diplomatie et le dialogue".
"Partant des douloureuses leçons de notre passé colonial, la diplomatie algérienne milite constamment pour la recherche de solutions pacifiques et contre l'interventionnisme politique ou armé des puissances étrangères. Et en tant qu'ancien Secrétaire général adjoint de l'OUA (actuellement UA), il me plaît de rappeler que les pères fondateurs de l’Organisation ont eu la sagesse d'inclure dans la Charte de celle-ci le principe de l'intangibilité des frontières héritées du colonialisme", a-t-il ajouté.
L’objectif de cette clause, explicite-t-il, étant d’"éviter des conflits dans le continent sur la base de revendications territoriales", rappelant, entre autres, que le défunt Roi du Maroc, Hassan II, avait, en dépit de réserves émises sur la Mauritanie, signé l'acte constitutif qui donnait la priorité à la libération des pays encore sous domination coloniale, dont le Sahara Occidental.
Plaidant pour une "diplomatie algérienne plus active en Afrique", M. Djoudi considère que "l’obstination de la France officielle à soutenir le Maroc au Conseil de Sécurité est appelé à connaître le même sort qu’avec la Question algérienne et le régime de l'Apartheid".
L’ancien diplomate, honoré en 2016 par l’ancien président sud-africain Jacob Zuma, a conclu en insistant sur "le renforcement des liens d'amitié et de coopération traditionnels de l’Algérie avec nos frères africains et nos amis du Tiers-Monde".
APS