La décision du président américain sortant, Donald Trump, de reconnaître la prétendue souveraineté marocaine sur les territoires du Sahara occidental en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël a suscité la désapprobation de nombreux anciens et actuels hauts responsables américains qui ont critiqué la légèreté de cette décision tout en avertissant contre les effets qu'elle serait susceptible de provoquer.
La dernière réaction en date est celle de l'ancien conseiller à la sécurité nationale à la Maison-Blanche, John Bolton.
Selon lui, "la reconnaissance par Trump de la souveraineté marocaine (sur le Sahara occidental) mine dangereusement des décennies d'une politique américaine soigneusement mise au point" affirmant que les Marocains et les Israéliens auraient pu normaliser leurs relations sans pour autant sacrifier le peuple sahraoui.
"C'est ce qui se produit lorsqu'un amateur prend en main la diplomatie américaine", a-t-il dit ajoutant que "l'approche désinvolte (de Trump) visant à annoncer une autre victoire superficielle provoquera d'importants problèmes de stabilité au Maghreb".
De son côté, l’ancien secrétaire d’Etat américain, James Baker a qualifié la normalisation des relations entre le Maroc et Israël de "compromis cynique " qui a " sacrifié " le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Il a considéré, en outre, que l’accord de normalisation devait être conclu de " manière appropriée (...) et non pas en sacrifiant cyniquement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination".
"Il semblerait que les Etats-Unis d’Amérique qui ont été fondés, avant tout, sur le principe de l’autodétermination aient abandonné ce principe s’agissant du peuple du Sahara occidental", s’est également indigné James Baker qui a occupé le poste d'émissaire du Secrétaire général de l'ONU pour le dossier sahraoui jusqu'en 2004.
Le peuple sahraoui a le droit de décider de son propre avenir
Le président de la Commission défense du Sénat américain, James Inhofe qui s'est exprimé sur la question le même jour que James Baker, le 11 décembre courant, s'est dit "attristé" et "déçu" par la décision de Trump.
Néanmoins, il a souligné qu'une telle démarche ne changeait en rien les positions de la communauté internationale à l'égard du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination.
"L’annonce de la Maison-Blanche d'aujourd'hui alléguant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental est choquante et profondément décevante.
Je suis attristé que les droits du peuple du Sahara occidental aient été troqués", a déploré l'influent sénateur républicain dans un communiqué.
Il a rappelé que "les Etats-Unis avaient soutenu (la politique de la communauté internationale) depuis des décennies et ont œuvré pour l'organisation d'un référendum d’autodétermination".
"Nous ne sommes pas seuls dans cette position: l’Union africaine, l’ONU, la Cour internationale de justice et l’Union européenne sont tous d’accord : le peuple sahraoui a le droit de décider de son propre avenir", a-t-il affirmé exhortant "ces organisations à rester fermes pour soutenir le droit du Sahara occidental à l’autodétermination".
Il a également affirmé que le président Trump a été "mal conseillé par son équipe", estimant lui aussi que l'accord de normalisation israélo-marocain, pouvait être conclu sans hypothéquer les droits d'"un peuple sans voix".
"Lors de ma dernière visite dans les camps de réfugiés sahraouis, j'ai rendu visite aux enfants qui y vivaient.
C'étaient des enfants joyeux, heureux et ordinaires qui ne savaient pas encore qu’ils faisaient partie d’un conflit gelé et oublié.
Je pense à eux et à tous les Sahraouis d’aujourd’hui.
Je n'arrêterai pas de me battre pour eux et je ne laisserai pas le monde les oublier", a promis le sénateur Inhofe.
Tensions et instabilité redoutées en Afrique du Nord
L’ancien émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental entre 2009 et 2017, Christopher Ross, a considéré, pour sa part, que la décision de Trump était "insensée" et "irréfléchie".
Une décision qui "va à l'encontre de l'engagement des Etats-Unis à l'égard des principes de l'annexion de territoires par la force et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tous deux inscrits dans la Charte des Nations unies".
"Il est vrai que nous avons ignoré ces principes en ce qui concerne Israël et d’autres, mais cela n’exonère pas de les ignorer au Sahara occidental et d’encourir des coûts importants en termes de stabilité et de sécurité régionales et de nos relations avec l’Algérie", prévient-il.
Cette décision pourrait également, selon M. Ross, menacer le développement les liens existant entre l'Algérie et les Etats-Unis sur les plans énergétique, commercial et en matière de coopération sécuritaire et militaire".
Pour lui, "la décision du président Trump garantit la poursuite des tensions, de l'instabilité et la désunion en Afrique du Nord".
Par ailleurs, l'élue démocrate du Minnesota, Betty McCollum a condamné la décision de Trump constatant qu'elle "légitimait dangereusement l'annexion illégale du territoire sahraoui".
Un avis partagé par le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des Etats-unis, le démocrate Eliot Engel qui a averti contre les effets de l'annonce du président Trump.
"Je crains que cette annonce ne bouleverse un processus des Nations unies crédible et soutenu au niveau international pour résoudre le différend territorial sur le Sahara occidental, que les administrations successives des deux partis (démocrate et républicain) ont soutenu".
Suzanne Scholte, présidente des ONG Defense Forum Fondation et US Western Sahara Foundation a adressé une lettre à la Maison-Blache invitant Donald Trump à revenir sur sa décision ".
Elle a considéré comme "profondément troublant" le fait que l'administration américaine reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental alors que "jusqu'à présent aucun Etat ne reconnaît la revendication de souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui".