La présence des forces étrangères et des mercenaires en Libye risque de faire voler en éclat l'accord de cessez-le-feu signé le 23 octobre à Genève, en témoignent les dernières déclarations des deux parties en conflit qui s'apparentent, selon nombre d'observateurs, à des déclarations annonciatrices d’une nouvelle étape complexe.
Quelque 20 000 "forces étrangères et/ou mercenaires" sont toujours en Libye en dépit de l'accord de cessez-le-feu signé en octobre, selon l’ONU.
"Il y a aujourd'hui 10 bases militaires dans votre pays (...), totalement ou partiellement occupées par des forces étrangères", a alerté, le 2 décembre dernier, la représentante spéciale par intérim du SG de l'ONU, en Libye, Stéphanie Williams, pointant une "violation choquante de la souveraineté libyenne" Dans une lettre adressée aux Etats membres du Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, demande la constitution d'un groupe d'observation qui inclurait des civils, ainsi que des militaires à la retraite, d'organisations comme l'Union africaine, l'Union européenne, et la Ligue arabe.
"J'encourage les Etats membres et les organisations régionales à soutenir la concrétisation du mécanisme de cessez-le-feu, notamment en fournissant des observateurs internationaux sous la bannière des Nations unies", déclare-t-il dans cette lettre datée de mardi.
La proposition du Secrétaire général de l'ONU prévoit que les observateurs opèrent initialement dans une zone triangulaire de la Libye, aux environs de Syrte.
Ces derniers, se joindraient aux forces libyennes pour la supervision du cessez-le-feu dans la zone, le retrait des forces étrangères, et l'élimination des mines et autres explosifs.
Ils élargiraient ensuite leur zone d'action dans le pays si les conditions le permettent, et jusqu'à ce qu'ils puissent être remplacés par une force nationale unifiée libyenne.
Les parties belligérantes, qui se sont entendues sur un cessez-le-feu le 23 octobre à Genève souhaitent toutes les deux éviter la présence de troupes étrangères armées, affirme le SG de l'ONU.
Selon les conditions du cessez-le-feu, toutes les forces étrangères doivent quitter la Libye sous les trois mois.
Le délai de 90 jours annoncé par Stephanie Williams, pour expulser les mercenaires et les forces étrangères a expiré, sans réelle mise en œuvre sur le terrain par les deux parties au conflit, regrettent des spécialistes et observateurs des affaires publiques en Libye qui parlent d'"un possible effondrement du dialogue" et qui estiment qu'"un retour aux hostilités augmente chaque jour".
Malgré la multitude de séries de pourparlers interlibyens pour ramener la paix dans le pays, les déclarations belliqueuses se multiplient.
A l'occasion de la célébration du 69e anniversaire de l'indépendance de la Libye, le général Khalifa Haftar, a appelé ses forces à reprendre les armes pour "chasser" les troupes turques du pays, alors que la Turquie, qui vient de proroger d’une année la présence de ses forces en Libye, a répliqué via son ministre de la Défense, Hulusi Akar, en visite en Libye, de "répondre à toute menace la visant".
Le ministre a évoqué aussi lors son entretien avec des responsables libyens "les moyens de riposter à une éventuelle nouvelle offensive de leur adversaire, Khalifa Haftar", selon un communiqué officiel.
Le même jour et à l'occasion du 69e anniversaire de l'indépendance de la Libye, le président du Conseil présidentiel du gouvernement d'union nationale libyen (GNA), Fayez al-Sarraj, a appelé ses compatriotes à "tourner la page des désaccords pour aboutir à la stabilité".
"Ce qui compte c'est que tout le monde contribue à une solution politique.
Toute autre action ne pourra qu'être mauvaise", a-t-il déclaré samedi soir.
Les déclarations des deux camps ont fait réagir l'ONU, la France et la Russie qui ont appelé les deux parties à faire preuve de sagesse et oeuvrer pour le succès du processus de dialogue en cours.
La Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a appelé jeudi les Libyens à "consolider leurs efforts" pour organiser les élections nationales prévues en décembre 2021 comme le prévoit la feuille de route validée par les membres du Forum pour le dialogue politique libyen (FDPL).
Le processus de dialogue politique enclenché en Libye en 2020 à la faveur du cessez-le feu signé entre les belligérants demeure fragile en raison notamment de l'afflux d'armes.