L'organisation Médecins sans frontières (MSF) a fustigé vendredi l'accord conclu entre l'Union européenne (UE) et la Turquie pour freiner l'afflux de migrants, le qualifiant d'"abdication historique" des responsabilités morales et légales de l'Europe, selon des médias.
L'ONG a exprimé "sa profonde inquiétude" à l'égard de cet accord qui prévoit le retour en Turquie de tout migrant arrivé en Grèce depuis le 20 mars et n'ayant pas fait de demande d'asile ou dont la demande a été rejetée.
En contrepartie, l'UE a accepté de verser des milliards d'euros à Ankara et s'est engagée, pour chaque Syrien renvoyé, à en "réinstaller" un autre depuis la Turquie dans un pays membre, dans la limite de 72.000 places.
"Cet accord sous-traite la prise en charge de ces populations à la Turquie en échange, entre autres, d'un plan d'aide de plusieurs milliards d'euros", a souligné la présidente internationale de MSF Joanne Liu dans une lettre ouverte aux Etats membres et aux institutions de l'UE.
"Alors que nous assistons au plus important phénomène migratoire de ces dernières décennies, l'Europe recule ainsi devant ses obligations légales et morales", a-t-elle déploré.
La Turquie réclame aussi une exemption de visas pour ses ressortissants dans l'espace Schengen, mais l'UE exige au préalable une modification de la loi antiterroriste en vigueur dans le pays, condition jugée inacceptable par Ankara.
Le ministre turc des Affaires européennes Volkan Bozkir était reçu vendredi matin à Bruxelles par le commissaire européen à l'Elargissement Johannes Hahn pour discuter de cette question.
Mme Liu a mis en garde contre "le signal préoccupant" envoyé par cet accord au reste du monde : "d'autres pays pourraient tenter de se soustraire à leur devoir de proposer l'asile", a-t-elle souligné.
"Si les Etats s'en inspirent, le concept de +réfugié+ pourrait cesser d'exister. Des populations se retrouveront prises au piège dans des zones de guerre, au risque d'y mourir", a-t-elle averti.
"Pays d'Europe, ces populations ont besoin de votre aide et de votre protection, pas seulement de votre argent", a lancé la présidente de MSF. "La Seconde guerre mondiale est-elle déjà si loin que vous ne vous souvenez plus du besoin vital de fuir les violences et les persécutions ?", a-t-elle demandé, en exhortant les dirigeants européens à "être à la hauteur de l'enjeu". APS