L'accord entre l'Union européenne (UE) et le Maroc signé en 2012 sur des mesures de libéralisation réciproques de produits agricoles et de produits de la pêche, ne peut pas s'appliquer au territoire du Sahara occidental a conclu mercredi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
"... Compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la charte des Nations Unies et du principe d’autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l’expression +territoire du Royaume du Maroc+, qui définit le champ territorial des accords d’association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire", a souligné la CJUE dans un communiqué.
La CJUE a réaffirmé ainsi les conclusions de son avocat général, rendues le 13 septembre dernier, et qui a soutenu que les accords d’association et de libéralisation conclus entre l’UE et le Maroc ne sont pas applicables au Sahara occidental.
La Cour, qui s'est prononcée au terme d’une procédure accélérée à la demande du Conseil de l'UE, a tenu à rappeler certaines règles de la pratique internationale, stipulant que lorsqu’un traité à vocation à s’appliquer non seulement au territoire souverain d’un Etat mais également au-delà, ce traité doit le prévoir expressément, qu’il s’agisse d’un territoire se trouvant sous la juridiction de cet Etat ou bien d’un territoire dont l’Etat en question assure les relations internationales.
A ce titre, la CJUE a fait remarquer que "cette règle s’oppose donc elle aussi à ce que les accords d’association et de libéralisation soient jugés applicables au Sahara occidental".
Rappelant le principe selon lequel l’exploitation des ressources naturelles des territoires non-autonomes doit se faire au profit du peuple se trouvant dans le territoire, et en son nom ou en consultation avec ses réprésentants, la CJUE a jugé que le peuple du Sahara occidental n'a pas consenti à ce que l'accord UE-Maroc soit appliqué à son territoire.
"... Le principe de l’effet relatif des traités en vertu duquel un traité ne doit ni nuire ni profiter à des tiers sans leur consentement, la Cour expose que, compte tenu de l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice en 1975 au sujet du Sahara occidental à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, le peuple de ce territoire doit être regardé comme un tiers susceptible d’être affecté par la mise en £uvre de l’accord de libéralisation", a-t-elle affirmé.
"Or, en l’occurrence, il n’apparaît pas que ce peuple ait consenti à ce que l’accord soit appliqué au Sahara occidental", a encore souligné la CJUE. Evoquant le fait que certaines clauses des accords d’association et de libéralisation entre l'UE et le Maroc ont été appliquées"de facto" dans certains cas aux produits originaires du Sahara occidental, la Cour a constaté qu’"il n’est pas établi qu’une telle pratique soit le fruit d’un accord entre les parties visant à modifier l’interprétation du champ territorial de ces accords".
La CJUE a estimé qu' "une prétendue volonté en ce sens de l’Union impliquerait d’admettre que celle-ci a entendu exécuter les accords d’une manière incompatible avec les principes d’autodétermination et de l’effet relatif des traités ainsi que de l’exigence de bonne foi découlant du droit international".
Pour avoir conclu que l’accord de libéralisation ne s’applique pas au territoire du Sahara occidental, la Cour a décidé, donc, d'"annuler l’arrêt du Tribunal qui était parvenu à la conclusion inverse".
A cet égard, elle a constaté que, dès lors que l’accord de libéralisation ne s’applique pas au Sahara occidental, "le Front Polisario n’est pas concerné par la décision par laquelle le Conseil a conclu cet accord".
Néanmoins, la CJUE a souligné que "le Front Polisario est un mouvement qui vise à obtenir l’indépendance du Sahara occidental et dont la légitimité a été reconnue par l’Organisation des Nations Unies".
Le Front Polisario a saisi le Tribunal de l’Union européenne pour demander l’annulation de la décision du Conseil approuvant l'accord prévoyant des mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, conclu en 2012 entre l'UE et le Maroc.
Par son arrêt rendu le 10 décembre 2015, le Tribunal a annulé la décision au motif que l'accord incluait le Sahara occidental et que le Conseil avait manqué à son obligation d’examiner, avant la conclusion de l’accord de libéralisation, s’il n’existait pas d’indices d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux.
Cet arrêt avait provoqué la colère du Maroc qui a exercé des pressions sur l'UE pour saisir la Cour de justice pour en demander l’annulation. (APS)