La situation en Libye se complique de plus en plus après l'invalidation par la Cour suprême du Parlement reconnu par la communauté internationale, alors que l'ONU a appelé toutes les parties à éviter toute action qui pourrait aggraver la crise qui secoue ce pays depuis plus de trois ans.
Le Parlement qui tient ses réunions à Tobrouk (est) a été jugé inconstitutionnel jeudi par la Cour suprême libyenne qui siège à Tripoli. Dans son arrêt, elle a invalidé un amendement de la constitution ayant conduit aux élections du 25 juin et, de ce fait, annulé ce scrutin et toutes les décisions qui en ont découlé.
La décision de la Cour suprême est définitive et son effet immédiat. Aucun recours n'est possible.
Une décision prise sous la menace des armes
Le verdict de la Cour suprême a été rejeté par le Parlement. "La Chambre des représentants refuse le verdict (...) et affirme qu'elle continue ses travaux, de même pour le gouvernement qui en est issu", a indiqué le Parlement dans un communiqué officiel lu en direct sur la chaîne Libya Awalan par le député Adam Abou Sakhra.
Le Parlement souligne que Tripoli, où siège la Cour suprême, est "une ville hors contrôle et gouvernée par des milices hors la loi (...)" et que la Cour suprême a donc pris cette décision "sous la menace des armes".
La décision de la Cour suprême a été prise après un recours déposé par le député islamiste Abderraouf Al-Manai accusant le Parlement de ne pas avoir respecté la Constitution provisoire qui stipule qu'il doit siéger à Benghazi, à 1 000 km à l'est de Tripoli.
Ce dernier, ainsi que d'autres députés islamistes, accusent également le Parlement d'avoir "outrepassé ses prérogatives" en appelant, en août, à une intervention étrangère en Libye pour protéger les civils, après la prise de la capitale fin août par Fajr Libya (Aube de la Libye) une coalition de milices armée.
Le Parlement était contesté par Fajr Libya et par de puissants groupes armés qui ont pris Benghazi, la ville où devait initialement siéger le Parlement.
Dominée par les anti-islamistes, l'Assemblée était obligée de se réunir depuis son élection à Tobrouk, dans l'extrême est de la Libye, pour des raisons de sécurité, non assurée à Benghazi, théâtre de violences quotidiennes.
Un désordre extrême
La décision de la Cour suprême vient donc compliquer encore la crise politique ainsi que la situation sécuritaire dans le pays, plongé dans le chaos et livré aux milices armées depuis la chute du régime de Maamar El-Gueddafi en octobre 2011. Depuis, les autorités intérimaires n'ont pas réussi à mettre fin aux violences meurtrières qui ravagent le pays notamment à Benghazi (est).
Sur le plan politique, la Libye est dotée depuis début septembre de deux gouvernements, un dirigé par Abdallah al-Theni et reconnu par la communauté internationale, et un autre cabinet établi à Tripoli et dont le chef Omar al-Hassi, a appelé le 2 novembre à de nouvelles élections législatives pour mettre fin, selon lui, à l'anarchie dans le pays.
En plus du parlement invalidé, la Libye a aussi un deuxième parlement qui siège à Tripoli, le Congrès général national (CGN, ancien parlement) où les islamistes sont représentés en nombre. Son porte-parole Omar Hmidan a déclaré, peu après la décision de la Cour suprême, que le CGN était désormais "la seule instance légitime dans le pays".
Sur le plan sécuritaire, Tripoli et une grande partie de l'ouest de la Libye sont, depuis fin août, sous le contrôle de Fajr Libya, une coalition de milices qui est parvenue à chasser ses rivaux de la capitale au terme de combats meurtriers autour du principal aéroport situé au sud de la capitale.
A Benghazi, les combats opposant les forces progouvernementales (alliées du général Khalifa Hafter qui a lancé en mai une opération baptisée Dignité) aux groupes armés ont fait, ces derniers jours, plus de 30 morts, selon des sources médicales.
Face à ce chaos, la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) a appelé toutes les parties à placer l'intérêt national au-dessus de toute autre considération. Dans sa réaction suite à la décision de la justice d'invalider le Parlement, elle a indiqué qu'elle "est en train d'étudier cette décision et de mener des "consultations en étroite collaboration avec toutes les parties de l'échiquier politique libyen et avec ses partenaires de la communauté internationale".
La Mission a appelé également "tout le monde à faire preuve de responsabilité et de ne prendre aucune action qui pourrait aggraver l'état de polarisation, ou conduire à une nouvelle détérioration de la situation sécuritaire".
De leur côté, de nombreux pays ont réclamé vendredi la fin "immédiate" des combats en Libye. "Nous exhortons toutes les parties à cesser immédiatement toutes les opérations militaires et à s'abstenir de prendre des mesures qui aggravent la polarisation et les divisions du pays", ont martelé dans un communiqué l'Allemagne, le Canada, l'Espagne, les Etats-Unis, la France, l'Italie, Malte et le Royaume-Uni