Les entreprises algériennes notamment publiques "ne sont pas prêtes" à s'introduire en Bourse malgré la nécessité de recourir à cette alternative au financement à travers le Trésor public, a estimé samedi à Alger le président de la Commission d'organisation et de surveillance des opérations en Bourse (Cosob), Abdelhakim Berrah.
"Les demandes d'introduction en Bourse se sont multipliées les dernières années, mais en les traitant, ce que nous retenons c'est que les entreprises algériennes notamment publiques, ne sont pas prêtes", a déclaré M. Berrah lors d'un séminaire destiné aux experts comptables sur le marché financier en Algérie.
Le premier responsable de la Cosob impute cette situation au manque de culture financière et à la défaillance des systèmes managériaux des entreprises algériennes qui se limitent à une administration "procédurale et court-termiste".
L'introduction en Bourse est, par conséquent, un processus très compliqué nécessitant un travail en profondeur pour ces entreprises qui avaient toujours bénéficié d'un financement "assuré" du Trésor public ou des banques.
Il a mis l'accent, dans le même sillage, sur la nécessité de doubler les efforts pour faire évoluer l'entreprise algérienne à travers des coachings et des mesures d'accompagnement afin d'instaurer davantage de transparence et se doter d'un plan de développement qui assure sa pérennité.
Le Conseil des participations de l'Etat (CPE) avait donné en 2013 le feu vert à huit entreprises publiques pour l'ouverture ou l'augmentation de leurs capitaux.
Il s'agit de la banque publique CPA, de trois cimenteries publiques relevant du groupe industriel des ciments d'Algérie (Gica), de la compagnie d'assurance Caar, de Cosider Carrières, filiale du groupe public du BTPH Cosider, de l'entreprise Hydro-aménagement et de l'opérateur historique de téléphonie mobile Mobilis.
En outre, une dizaine d'entreprises privées préparent activement leur introduction, selon M. Berrah qui souligne aussi qu'un nombre "assez important" d'entreprises ont exprimé leur intention de se financer via le marché obligataire.
"Depuis la récente chute des prix du pétrole, la demande d'introduction en Bourse s'est accentuée notamment au niveau du marché obligataire, contrairement au marché des actions qui demandent plus de travail en profondeur", a-t-il expliqué.
Toutefois, le nombre d'entreprises cotées à la Bourse d'Alger reste "très loin" des potentialités de l'économie algérienne.
La place d'Alger compte actuellement quatre (4) titres cotés, à savoir ceux de la chaîne hôtelière EGH El Aurassi, du groupe Saidal, d'Alliance Assurance et de NCA Rouïba pour une capitalisation boursière qui ne dépasse pas les 15 milliards de DA.
"Que représente ces 15 milliards de DA dans une économie dont le PIB (Produit intérieur brut) est de prés de 18.000 milliards de DA? C'est absolument insignifiant!", a noté M. Berrah.
Des "points Bourse" au sein des banques publiques
Pour réanimer la place d'Alger, la Cosob avait entamé une refonte du cadre juridique régissant l'activité boursière en Algérie. Les réformes portent essentiellement sur la mise en place de mécanismes qui offrent plus de souplesse et qui favorisent le développement du marché financier algérien.
Parmi les propositions en cours d'étude figurent notamment l'assainissement fiscal des entreprises qui veulent s'introduire en Bourse et l'ouverture aux fonds étrangers, a fait savoir M. Berrah.
Le responsable a souligné, par ailleurs, que les conseils d'administration des entreprises où l'Etat est actionnaire font actuellement l'objet d'une "refonte".
"Le ministère des Finances est en train de mener un travail de fond sur le rôle de l'Etat actionnaire. Les membres du Conseil d'administration doivent passer du statut de représentants administratifs à de vrais responsables sur l'activité de l'entreprise qui apportent de la valeur ajoutée", a indiqué M. Berrah.
Il est également prévu la création de guichets dédiés aux opérations boursières au niveau des banques publiques dans chaque wilaya du pays.
Ces "points Bourse" ont pour mission principal de fournir les informations boursières nécessaires pour les investisseurs potentiels et les entreprises voulant entrer en Bourse et de les accompagner, précise le président de la Cosob.
Pour lui, la politique du gouvernement qui vise à orienter les entreprises publiques vers la sphère marchande pour financer leurs projets, dans un contexte de baisse de prix du pétrole, principale source de revenu pour l'Algérie, constitue une "réelle opportunité" pour la Bourse d'Alger pour attirer les entreprises.
Cependant, entrer en Bourse n'est pas seulement une source alternative de financement mais représente aussi un facteur de notoriété, selon M. Berrah citant l'exemple d'une société privé algérienne qui a reçu dix propositions de partenariat provenant de l'étranger, juste après avoir affiché sa volonté de s'introduire en Bourse.
Pour les PME, composées majoritairement d'entreprises familiales, l'introduction en Bourse est une occasion pour se restructurer et peut constituer un cadre assurant une transmission "soft" à l'avenir, a-t-il encore soutenu.
Les participants au séminaire de vulgarisation, organisé par la Société de Gestion de la Bourse des Valeurs (SGBV) et l'Ordre national des experts comptables, ont souligné l'importance du rôle des professionnels de la corporation dans le processus d'introduction et de la prise de décisions majeurs de l'entreprise.