L’opération de liquidation de Khalifa Bank, enclenchée dès mai 2003, visait à limiter l’ampleur du "désastre" qu’allait engendrer la banqueroute de cette banque, a indiqué jeudi le liquidateur judiciaire, Moncef Badsi devant le tribunal criminel de Blida.
Lors de son audition par le juge d’instruction, Antar Menouar, M. Badsi, constitué partie civile, a expliqué qu’à son installation la mission était compliquée au vu de la situation à laquelle est arrivé le groupe Khalifa", ajoutant qu’il a "oeuvré à limiter l’ampleur du désastre" qui aurait pu se transformer en "drame national" si le groupe Sonatrach avait procédé à des placements comme prévu initialement.
"Je suis convaincu qu’il fallait arrêter un processus de détournement et de pillage à grande échelle et cela aurait été encore un drame national si l’entreprise publique Sonatrach avait procédé au placement des 400 milliards de DA", a déclaré M. Badsi, en réponse du juge sur la question de la liquidation, exprimant le souhait que cette affaire serve de leçon à l’avenir.
Dans son introduction, le liquidateur a affirmé qu’à la prise de fonction à travers laquelle il devait "approfondir" et "corroborer" le travail de l’administrateur provisoire Mohamed Djellab, il a constaté un "état d’anarchie et de confusion totale" qui nécessitait d’abord des "actes fondamentaux", à savoir faire l’inventaire et préserver le patrimoine, dans un environnement, a-t-il dit, "empreint de panique et de suspicion aussi bien au niveau interne de la banque qu’à l’extérieur".
Il a indiqué avoir relevé beaucoup d’anomalies qui dénotaient qu’outre les actions de pillage qui se sont poursuivies jusqu’à la mise sous administration, du manque de professionnalisme dans pratiquement toutes les agences de Khalifa Bank, citant l’exemple des archives liées aux opérations comptables et bancaires mises dans des cartons jetés dans des locaux.
"Il fallait rapatrier toutes ces archives constituées de 1,2 million de dossiers dont certains étaient sensibles et confidentielles et la collecte des informations, c’est ce qui a rendu encore plus complexe la mission", a-t-il expliqué.
Tout en précisant que ce qui a été dit est loin de refléter la réalité de la situation, M. Badsi a affirmé que sa mission a révélé l’existence de comptes d’ordres qui "polluent" toute possibilité de faire une comptabilité, et cela témoigne de la présence d’opérations en attente "douteuses et contestables", ajoutant que pour l’exercice 2002 dans un compte d’ordre à 97 milliards de dinars, les IES (écritures en suspend inter-agences) représentaient 66 milliards de dinars, et des comptes de correspondants "n’étaient pas intégrés dans la comptabilité".
M. Badsi, qui a indiqué que la liquidation de la banque sera clôturée d’ici à trois ans, a fait savoir qu’au 31 décembre 2014, il y avait une créance 104 milliards de dinars, récouvrée à hauteur de 10 milliards de dinars et qu’il restait encore 5.000 comptes à déboucler.
Il a souligné que ces opérations douteuses étaient centralisées dans certaines agences de Khalifa Bank comme celles de Blida, Koléa, Oran, El-Harrach, Cheraga et les Abattoirs qui ont fait des "performances" en la matière comme "il y a des individus révélés lors de la liquidation, ayant commis des infractions mais qui ne sont pas poursuivis faute de documents les incriminant pour le moment".
Par ailleurs, les écritures bancaires inter-agences falsifiées, selon le liquidateur, "peuvent cacher d’autres infractions puisqu’on a enregistré un montant de 689 millions de dollars d’opérations de transferts non-conformes avec la réglementation", notant qu’on peut retrouver pour le même objet acheté plusieurs contrats à l’instar de l’achat d’unités de dessalement d’eau de mer.
M. Badsi a expliqué qu’il a trouvé, dans les documents, trois contrats à des montants variables de 91, 51 et 41 millions de dollars et même trouvé des spécimens de contrats et factures vierges, ajoutant également que groupe Khalifa a fait de la rétention des fonds étant donné qu’il puisait dans les comptes de ses correspondants pour transférer des capitaux.
Questionné par le juge sur le patrimoine de Khalifa Bank, le liquidateur a rétorqué qu’il a sciemment retardé la vente du patrimoine immobilier pour tirer profit de la hausse du prix qu’enregistre le marché.
"Actuellement, nous sommes en train d’accélérer les choses et nous faisons de bonnes affaires", a-t-il lancé recensant une carcasse aux Bananiers vendue à la direction générale des Douanes à 23 milliards de centimes, un local au boulevard Zirout-Youcef et un hôtel à Bejaia vendu au Fonds algéro-koweitien à 100 milliards. Il a cité notamment les trois hélicoptères à 18 millions de dollars et les 2 ATR à Air Algérie à 15 millions de dollars.
M. Badsi a toutefois noté que la Khalifa Bank avait des compétences et qu’elle aurait pu prospérer ne serait-ce les "pratiques douteuses" qui se sont généralisées, "un manager qui veut réussir doit propager la bonne conduite", a-t-il soutenu.
APS