Des cas de dopage, notamment de Russes, ont-ils été couverts par les plus hautes instances de l'athlétisme mondial ? L'inculpation en France pour corruption de l'ex-patron de la fédération internationale (IAAF), le Sénégalais Lamine Diack, ébranle à nouveau le sport mondial déjà englué dans le scandale touchant le football.
Agé de 82 ans, Lamine Diack, qui a laissé son poste cet été au Britannique Sebastian Coe, a été mis en examen par deux juges françaises pour corruption passive et blanchiment aggravé, a indiqué mercredi une source judiciaire. Placé sous contrôle judiciaire, il a été laissé libre.
Son conseiller juridique, l'avocat Habib Cissé, 44 ans, a également été inculpé, uniquement pour corruption passive, a précisé la source. Ni Lamine Diack, ni Habib Cissé n'avaient réagi mercredi à la mi-journée.
Un médecin, Gabriel Dollé, qui était en charge de la lutte antidopage à la fédération jusque fin 2014, était mercredi en garde à vue à Nice (sud-est).
Mais cette enquête judiciaire française, lancée cet été, n'en est qu'à ses débuts et d'autres auditions devraient avoir lieu. Elle a commencé en août quand le parquet national financier a reçu un signalement de l'Agence mondiale antidopage (AMA).
Pour l'instant, ce sont les contrôles antidopage de "deux ou trois" athlètes russes qui sont concernés, a précisé à l'AFP une source proche du dossier. Mais les cas d'autres sportifs, pas uniquement russes, pourraient aussi être concernés, a-t-on ajouté.
Après une rapide enquête préliminaire, le parquet national financier a confié le 1er octobre une information judiciaire à des juges financiers, les mêmes qui ont mis en examen lundi Lamine Diack, qui a régné plus de quinze ans sur l'athlétisme mondial.
Sous sa présidence, son sport n'est pas parvenu à se défaire du fléau du dopage et plusieurs affaires sont venues ternir son bilan.
Son fils, Pape Massata Diack, chargé de mission marketing au sein de l'IAAF, a été contraint de quitter l'instance, accusé d'être impliqué dans cette affaire de corruption visant à couvrir des cas de dopage en Russie.
Le trésorier de l'IAAF et président de la fédération russe, Valentin Balakhnichev, n'a pas non plus résisté au scandale. Il s'était mis en retrait de ses fonctions à l'IAAF.
L'athlétisme russe au centre des soupçons
Ces mises en examen et gardes à vue interviennent alors que la Russie est depuis près d'un an au centre des soupçons.
Deux reportages réalisés par la chaîne allemande ARD, en décembre 2014 puis en août 2015, ont levé le voile sur des pratiques douteuses.
Diffusé début décembre à la télévision allemande, le documentaire intitulé "Dopage confidentiel: comment la Russie fabrique ses vainqueurs", accusait le pays de doper massivement ses sportifs et de contrôler les échantillons de sang testés. Ce documentaire s'appuyait sur plusieurs témoignages, dont ceux de l'athlète Julia Stepanova, spécialiste du 800 m, actuellement suspendue pour dopage, et de son époux, Vitali Stepanov, qui a travaillé entre 2008 et 2011 pour la Rusada, l'agence russe de lutte contre le dopage.
En août dernier, quelques jours avant les Mondiaux de Pékin, un nouveau documentaire accusait une nouvelle fois l'athlétisme russe, soutenant que, "malgré les assurances des fonctionnaires russes" en faveur d'un sport propre, "les sportifs dopés et les instigateurs sont toujours protégés", selon un communiqué de la chaîne.
Au regard de la situation, l'Agence mondiale antidopage a mis en place en janvier une commission d'enquête afin de vérifier "scrupuleusement" les faits rapportés par la chaîne allemande, "trouver de nouveaux éléments de preuve et poursuivre toute violation aux règles antidopage ou aux standards internationaux".
Cette commission indépendante de trois membres doit rendre ses conclusions courant novembre et déterminer "s'il existe des preuves suffisantes pouvant conduire à des sanctions à l'encontre de personnes ou d'organisations soumises aux règlements du Code mondial antidopage".
Le médecin placé en garde à vue, Gabriel Dollé, avait démissionné de ses fonctions en décembre 2014 après la diffusion du premier reportage d'ARD.
AFP