- Témoignages de citoyens à propos du Béton et des espaces verts
- Aggoune Abdelkader, ex président du Club des architectes, explique le manque de rigueur dans l'application de la loi
- Samir Chérif, Ingénieur agriculteur, insistes sur l'élevage intense
- Boudaoud Abdelkader, président du collège des architectes algériens s'interroge sur le rôle et l'absence de la police urbaine
- Ali Ahmed Abdelmalek, directeur de la régularisation foncière et la protection du patrimoine
Quels que soient les motifs, la dilapidation des terres agricoles s’est transformée en un phénomène difficilement contrôlable, voire en problème inextricable. Les terres nourricières sont dévorées et l’envahissement par le béton des espaces à vocation agricole par excellence est dramatique ! C’est le thème débattu ce mardi à l’émission « Point de vue » de la radio Chaine 3. Le massacre continue. Sonnette d’alarme !
8.6 millions d’hectares de terres agricoles, soit 3.5% de ce grand territoire de 238 millions d’hectares, sont toujours menacées par l’avancée du béton en dépit des lois contraignantes quand au choix des terrains à bâtir.
Le débat est axé sur le nécessaire retour à l’équilibre entre l’exigence du développement local et l’aménagement du territoire nationale et en priorité la préservation des terres à cultiver qui se rétrécissent de plus en plus et de mois en mois.
Peu d’espace verts et trop de béton
Tout le monde est concerné et les intervenants sont unanimes à dire que le mal devient insupportable si « nos villes se trouvent démunies d’espaces verts ». Pis encore, l’on devient prisonnier du béton et on perd, selon eux, la notion environnementale avec des constructions tous azimut qui tuent l’espace vital au confort des habitants.
Ils restent néanmoins partagés entre les causes de ce phénomène comme l’interventionnisme, le laxisme des autorités, l’absence de planification et de systèmes de contrôle qui sont en grande partie à l’origine du désastre.
Les experts sont unanimes sur le fait que l’exécutif doit respecter ses lois tout en ayant une vision stratégique de protéger les terres cultivables (3,5% de la superficie du pays), et garder une politique d’urbanisation équilibrée sans que la stratégie du développement empiète sur la politique de l’agriculture.
L’Etat doit faire respecter ses lois
Pour Boudaoud Abdelhakim, président du Collège des architectes algériens, ce chaos urbanistique s’ajoute au fait que les responsables n’émettent même pas d’avis sur la faisabilité des projets. Il ajoute qu’ils ne savent pas si ces terres sont aptes à recevoir des constructions.
Il y a du laxisme des autorités, dit-il, et on passe outre la loi de la République. Mieux, cet architecte souligne que « l’état a créé un décret pour prendre des terrains (150 hectares seulement à Alger) afin d’y bâtir des logements ».
M. Boudaoud n’a pas omis de rappeler que la police urbaine, présente dans toutes les wilayas ne se manifeste pas quand il s’agit de projets d’investissement ou d’utilité publique sur des terres agricole.
Encore faut-il arrêter le déclassement des terrains agricoles qui a rongé la quasi majorité des terres dans les villes.
Où est la police urbaine ?
De son côté Aggoune Abdelkader, opérateur économique et ex président du club des entrepreneurs, estime qu’il n’y a pas de planification à long terme. Cette planification, dit-il, requiert une vision des ceintures et donc passer à une ceinture quand la première est saturée comme les hauts plateaux qui se veulent théoriquement un chapitre de la stratégie de développement gouvernementale », mais « il n’en est rien au fait », regrettera-t-il.
Il a déploré la dégradation de la Mitidja, autrefois grenier de l’Europe, dévorée par le béton envahissant.
Certains des agriculteurs dont M. Serraoui (Président du conseil intersectoriel de la pomme de terre), voient que le problème se situe beaucoup plus à l’abandon des terres qui se trouvent en jachère. « Il y a énormément de terres agricoles non travaillées et donc cédées au mieux disant », indique-t-il en dépit.
L’élevage intense peut sauver des terres cultivables
Il pose la problématique inverse en disant qu’il faut promouvoir l’élevage. Et pour minimiser du phénomène du béton, il propose de construire de grandes fermes à 1000 têtes et plus qui nécessitent un certain nombre d’hectares pour nourrir le cheptel.
« Si on n’agit pas de la sorte et stopper le béton galopant, même l’élevage vivier, disparaitra dans les montagnes », s’écria-t-il, citant en exemple la Kabylie et les Aurès qui souffrent de la menace de la disparition de cet élevage qui frôle la catastrophe à cause des massacres perpétrés aux petites terres à cultiver.
La solution réside donc, selon lui, sur « l’élevage intense avec des cultures intenses », faute de quoi il ne faut pas s’attendre à des miracles.
Réconcilier économie et agriculture
L’économie c’est aussi, voire essentiellement l’agriculture, insistant sur le fait que l’agriculture est malade de ses responsables. A ce titre, il déplore que le secteur soit piégé par la valse des ministres qui ne dure pas longtemps. « Arrêtons le zapping ministériel pour le bien de l’agriculture dans le pays », martela-t-il. Il y va de la sécurité alimentaire qui est nettement menacée avec des responsables qui ne siègent pas.
C’est aussi l’avis de M. Ahmed Ali Abdelmalek du ministère de l’agriculture et du développement rural qui estime qu’à cette cadence la sécurité alimentaire des Algériens est menacée.
Le directeur de la régularisation foncière et la protection du patrimoine souligne que la protection des terres agricoles est étroitement liée à la sécurité alimentaire du pays, laquelle, faut-il rappeler, est liée à la souveraineté nationale.
Soulignant que la distraction des terres agricoles se fait sur décret du Conseil des ministres sur proposition de commissions au niveau des wilayas présidées par les walis pour statuer si un terrain est urbanisable ou foncièrement cultivable.
La loi entre théorie et pratiques
Pour concrétiser cette option de préservation des terres agricoles, la loi 2008 a mis un dispositif contraignant au déclassement des terres cultivables en terres d’urbanisation, cette contrainte est appuyée par l’instruction N°2 du 12 mai 2013 du Premier ministre sur le déclassement des terres au profit de projets urbanistiques ou projets d’équipements stipulant procédure de distraction en la matière.
Face au drame consommé par l’énorme perte (irréversible) de grandes surfaces de terres agricole, M. Ahmed Ali précisent que son département est à la recherche du nécessaire équilibre de préserver les terres agricoles et la nécessité de trouver du foncier pour satisfaire la demande des programmes de développement urbain ou économique.
Une problématique à résoudre rationnellement quand on sait que tout le monde veut investir dans les villes du nord et l’entassement des usines, des infrastructures de l’Etat entre autres commodités des cités urbaines se fait au détriment des espaces cultivables.