Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a mené une action énergique pour la reprise en main de la situation dans son pays après la tentative de putsch avortée de vendredi dernier, a décidé une série de mesures drastiques dont l'instauration de l'Etat d'urgence.
M. Erdogan a décrété l'état d'urgence qui permet notamment de décréter le couvre-feu, de restreindre le droit de manifester ou la liberté de circulation dans certains secteurs identifiés.
Cette décision a été annoncée à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale et d'un Conseil des ministres à Ankara où le président est retourné mardi soir pour la première fois depuis le putsch avorté.
Instauré pour une période maximale de six mois il prévoit notamment des restrictions aux libertés de manifester ou de circuler.
Après la publication de la décision dans le Journal officiel, l'instauration de l'état d'urgence doit être avalisée par le parlement turc dans la journée de jeudi, une simple formalité.
Les autorités turques ont aussi intensifié une purge "massive" lancée après l'échec du coup d'Etat militaire du 15 juillet. Arrestations, suspensions, limogeages... les purges ont touché 55.000 personnes, notamment dans l'enseignement, la police, la justice, l'armée et les médias, selon les médias locaux.
Le bilan officiel des événements sanglants du putsch faisait état de 312 morts, dont 145 civils, 60 policiers et trois soldats, 218 "comploteurs" arrêtés et des dizaines d'autres tués lors de la tentative de coup d'Etat.
Promesse d'un prompt rétablissement de l’ordre et lever de l’état d’urgence
Décrétant un état d’urgence de trois mois, le gouvernement turc espère pouvoir lever l'état d'urgence "dans un mois ou un mois et demi", "si les conditions reviennent à la normale", a déclaré jeudi aux médias turcs le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus.
Le gouvernement espère lever "l'état d'urgence aussi vite que possible", a-t-il déclaré.
"Si les conditions reviennent à la normale, nous pensons que cela prendra un mois à un mois et demi au maximum", a dit le responsable. Il a souhaité qu'il n'y ait "pas besoin d'extension supplémentaire".
La justice déterminera les accusations et les peines
La justice turque déterminera la validité des accusations et les peines éventuelles contre les personnes soupçonnées d'être impliquées dans la tentative de putsch avortée dans "le plein respect de l'Etat de droit", a assuré jeudi l'Ambassade de Turquie à Alger.
"La validité des accusations, le cas échéant, et les peines éventuelles qu'ils seraient confrontées, seront déterminées par la justice turque", a indiqué l'Ambassade dans une note à la presse.
"Il ne devrait y avoir aucun doute que le processus se déroulera comme d'habitude dans le plein respect des droits fondamentaux, des libertés et de l'état de droit, tel que prescrit par la Loi. Toutes les voies de recours judiciaires sont disponibles", souligne le texte.
La Turquie est parmi les membres fondateurs du Conseil de l'Europe qui définit les normes universelles en ce qui concerne les droits de l'homme, l'état de droit et la démocratie, rappelle l'ambassade.
La représentation turque en Algérie a également expliqué que "les développements qui se sont déroulés en Turquie étaient une tentative de coup d'Etat par un groupe de comploteurs dans l'armée, lié à l'organisation terroriste Fethullah Gülen (FETO), en vue de renverser le gouvernement démocratique élu et l'ordre constitutionnel en Turquie".
Déroger à la Convention européenne des Droits de l'homme
La Turquie va déroger à la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) en raison de l'instauration de l'état d'urgence jeudi, a annoncé le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus.
"La Turquie va suspendre la Convention européenne des droits de l'Homme dans la mesure où cela ne contrevient pas à ses obligations internationales, tout comme la France l'a fait sous l'article 15 de la Convention" après les attentats de novembre 2015, a annoncé M. Kurtulmus, cité par l'agence Anadolu.
L'article 15 de la CEDH reconnaît aux gouvernements, "dans des circonstances exceptionnelles", la faculté de déroger, "de manière temporaire, limitée et contrôlée", à certains droits et libertés garantis par la CEDH.
Cette dérogation prémunit donc la Turquie contre d'éventuelles condamnations de la CEDH alors que de vastes purges sont en cours dans l'armée, la justice, la magistrature, les médias et l'enseignement après le coup d'Etat raté du 15 juillet contre le président Recep Tayyip Erdogan. APS