Les Marocains du Rif poursuivent leur Hirak, une marche pacifique prévue jeudi "interdite"

Les Marocains du Rif ont prévu une grande marche pacifique, jeudi à Al Hoceima, d'ores et déjà interdite par les  autorités marocaines, qui continuent de réprimer les manifestations pour la  libération des prisonniers politiques du "Hirak" dans la région enclavée du nord du Maroc depuis plusieurs mois, mettant le royaume dans une situation difficile, ont rapporté les médias.

Al-Hoceïma, épicentre d'un large mouvement de contestation populaire qui secoue depuis neuf mois la région du Rif, vit au rythme de manifestations quasi-quotidiennes à Al Hoceima et dans la ville voisine d'Imzouren, violement réprimées, et d'appels aux autorités marocaines à libérer les prisonniers politiques. 

Une grande manifestation a déjà eu lieu dans la capitale Rabat en soutien au mouvement des Rifains.

Cet appel à manifester jeudi avait été lancé par Nasser Zefzafi, le leader du "hirak" ("la mouvance", nom donné localement au mouvement de contestation, ndlr), avant son arrestation fin mai par la police.

Si la quasi-totalité des figures de la protestation ont été arrêtées depuis, l'appel à manifester a cependant continué à être relayé par les réseaux sociaux.

Une manifestation conçue pour être historique même si les autorités ont dores et déjà interdit cette marche lundi dernier, ce qui fait craindre que des incidents /et ou des violences pourraient avoir lieu, et faire ainsi  vaciller la stabilité au Maroc, selon les observateurs. Les organisateurs attendent un nombre record de participants à la marche d'aujourd'hui.

Un communiqué de la préfecture locale a même prévenu que "toutes les mesures nécessaires" avaient été prises pour maintenir son interdiction.

Selon ses organisateurs, cette "marche pacifique" est destinée à exiger la "libération" des prisonniers du "hirak", protester "contre la répression" et "maintenir le combat populaire contre le makhzen (pouvoir)".

La mobilisation populaire est prévue, alors que de nombreux Rifains résidant en Europe, qui affichent un fort soutien au "hirak", sont de retour au pays pour les vacances.

"Hirak" contre des injustices sociales et politiques au Rif  depuis plus de 60 ans

Depuis l'assassinat fin octobre 2016 d'un vendeur de poisson, Mohcine Fikri, broyé dans une benne à ordures, la province d'Al-Hoceïma a été le théâtre de nombreuses manifestations pour exiger le développement d'une région historiquement marginalisée, laissant l'Etat marocain dans une situation difficile face à des revendications sociales et politiques internes et à l'indignation internationale.

La mouvance du Rif réclame depuis neuf mois un meilleur accès aux soins, à  l'emploi, l'éducation et des mesures de développement dans cette zone enclavée du nord du pays. Ils réclament également la libération des  prisonniers détenus depuis le début de la crise, certains, dont la majorité ont fait l'objet de torture et de mauvais traitement, auraient d’ailleurs entamé une grève de la faim.

Le mois de mai a été marqué par l'arrestation des figures du "Hirak".  Des heurts se sont également multipliés avec les policiers qui ont empêché  tout rassemblement.

La tension est retombée d'un cran en juillet avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques à Al-Hoceïma. Mais le mouvement perdure, avec la poursuite d'attroupements improvisés de jeunes notamment sur les plages.

Selon un dernier bilan officiel, 176 personnes ont été placées en détention préventive. Cent-vingt sont actuellement jugées, dont certaines en liberté provisoire. Des peines allant jusqu'à 20 mois de prison ont été déjà prononcées en première instance.

Le meurtre du vendeur de poisson a mitivé la prise de conscience face aux injustices sociales et politiques imposées aux populations de cette région, depuis plus de 60 ans. La frustration et le sentiment d'abandon restent  bien présents dans l'esprit des habitants rifains. 

Depuis plus de 7 mois, la contestation s'organise pacifiquement autour du Hirak et de son leader Nasser Zefzafi arrêté, et l'agitation sociale qui  ébranle le Rif prend de plus en plus une tournure politique.

Le président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux Noureddine Miftah, écrivait récemment dans une tribune libre sur le site PanoraPost.com : "le royaume est en danger", c'est que la situation devient grave", citant comme argument  les "évènements" du Rif et leurs suites.

 

 

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