Les massacres du 17 octobre 1961, perpétrés à Paris contre des émigrés algériens qui sont sortis manifester pacifiquement contre une décision arbitraire, se classent dans la catégorie des crimes de guerre et crimes contre l'humanité, ont affirmé plusieurs juristes algériens.
Dans des déclarations à l'APS la veille de la commémoration du 57e anniversaire de ces massacres, ces juristes ont indiqué que ces derniers constituaient "des crimes contre l'humanité commis contre des personnes qui ont organisé une manifestation pacifique, violemment réprimée par la police coloniale française, auteure d'une tuerie sans précédent", rappelant que les crimes contre l'humanité perpétrés par la France contre les Algériens "sont imprescriptibles et non amnistiables".
Pour sa part, l'avocate Fatma Benbraham a estimé que plusieurs parties (algériennes et françaises) "ont évoqué ces dernières années ces crimes occultes devenus par la suite un scandale historique qui s'inscrit dans le cadre des crimes d'Etat, contre l'humanité même s'ils ne sont pas reconnus" actuellement par l'Etat français, rappelant que "les crimes et la répression des manifestants algériens ce jour là ont été commis sur ordre de l'Etat français".
Ces crimes "passés sous silence pour une raison ou une autre n'étaient pas des actes isolés mais ont été commandités aux niveaux politique et gouvernemental", a-t-elle dit, indiquant que tous les documents et informations y afférents "sont classés secrets d'Etat et ne peuvent être consultés".
Me Benbraham a insisté sur l'impératif de revendiquer l'ouverture des archives officielles du gouvernement français et de dévoiler toutes les vérités, d'autant que le président français Emmanuel Macron a reconnu lors de sa visite en Algérie en 2017 que "la colonisation fait partie de l'histoire française et constitue un crime contre l'humanité".
Pour sa part, l'avocat et ancien responsable de la Fédération de France du Front de Libération nationale (FLN), Ali Haroun a souligné que les massacres du 17 octobre "constituent des crimes contre l'humanité au sens propre du terme, vu le caractère pacifique de la marche et partant le droit international devrait être appliqué sur les responsables de ces crimes".
"Il reste beaucoup à faire en matière de mémoire historique et collective du peuple algérien concernant ces évènements qui n'ont jouit de tout l'intérêt nécessaire que ces dernières années", a-t-il ajouté, précisant que la répression française de la marche pacifique des émigrés est distinctement classée par les Français du point de vue juridique". "Au moment où ces derniers affirment que le peuple a voté en faveur des accords d'Evian ayant instauré une amnistie générale et globale au profit des deux parties (Algérie-France), les Algériens estiment que les crimes commis contre l'humanité sont imprescriptibles et non amnistiables".
A une question sur la position officielle de la partie algérienne à l'égard de la demande de reconnaissance des crimes commis,
M. Ali Haroun a indiqué que ces dernières années "un intérêt croissant a été affiché quant à la commémoration de ces évènements pour préserver la mémoire et l'histoire de l'Algérie, en veillant à faire valoir les droits des personnes tuées arbitrairement", plaidant pour l'enseignement de l'histoire des émigrés et des évènements du 17 octobre.
L'avocat Farouk Ksentini affirme, du point de vue juridique, que les crimes du 17 octobre 1961 "sont punissables par la loi et classés crimes contre l'humanité, conformément à toutes les normes et critères humanitaires et juridiques", rappelant que la reconnaissance par le président français, Emmanuel Macron de la responsabilité des crimes perpétrés contre les Algériens constitue "un premier pas".
Le professeur en droit et sciences politiques et avocat Amar Rekhila a indiqué que le Droit pénal international qualifie explicitement les faits commis par la France coloniale de "crimes d'Etat et de génocide commis par une armée régulière représentant un Etat, précisant que ces crimes "sont imprescriptibles et partant nous pouvons les évoquer à nouveau et demander le jugement de leurs auteurs et l'indemnisation des préjudices causés".
Revenant à l'aspect politique de ces évènements, M. Rekhila a indiqué que les Français "évitent de reconnaitre les crimes commis contre les Algériens ayant participé à la marche, au regard de la responsabilité pénale qu'ils impliquent", soulignant qu'"il s'agit de faits historiques documentés avec preuves à l'appui, mais leur traitement exige d'amener la France, à l'image de l'Allemagne, de l'Italie et de la Libye, à reconnaitre d'abord ses crimes avant de présenter des excuses (preuve de bonne foi). APS