Depuis 2003, année de l'explosion du front social, des générations d’élèves, d’étudiants, des malades et des administrés en général continuent de subir impuissants et sans compréhension, voire dans la confusion, les jeux ping-pong ministères-grévistes autour des droits revendiqués par un front social, travaillant sous la coupe de la Fonction publique qui emploit quelque 2.8 millions de fonctionnaires tous secteurs confondus sur 6.5 millions de la population active en Algérie.
L'Algérie a vécu durant 17 ans dans l'ébullition sociale et socioprofessionnelle occasionnées par la dégradation des conditions socioprofessionnelles dans le pays traversé en conséquence par des perturbations sociales sous formes de grèves cycliques qu’observaient les syndicats autonomes représentants un pan de la société travaillant dans l'administration, dans l'enseignement supérieur, dans la santé et l'éducation.
Cette situation particulière et traumatisante qui a rongé ces secteurs a bouleversé la population toute entière et devient au fur des ans un phénomène incontrôlable, notamment au niveau de la santé et dans l'éducation si ce n’est le retour à la sagesse observée par les contestataires qui renonçaient parfois à leur égo et aux bras de fer les opposants à leurs tutelles respectives pour prôner et adhérer à une ligne dialoguiste afin de ne pas pénaliser la société entière et épargner de faire sombrer l'Ecole et l'Hôpital - deux secteurs névraligiques - en péril.
Ces conditions déplorables sont péniblement vécues par rapport à l'ordre établi dans le secteur dans la santé publique et l'enseignement supérieur où les débrayages sporadiques des uns et des autres (340 mille employés - entre Professeurs, médecins spécialistes, résidents, chirurgiens-dentistes, sages-femmes,,,- et 152 mille travailleurs des universités), alternés par les arrêts de travail des auxiliaires médicaux, ont longtemps provoqué le mal et l’ire d’e la population des hospitalisés qui se trouvent doublement victimes des maux à soigner et le profond malaise qu’ils subissent dans leurs corps fragilisés par les maladies à cause des multiples arrêts de travail.
Les agents d’administration ne sont pas en reste, puisque les 650 mille agents personnel affilié à la Fonction publique sont aussi concernés par la condition sociale détériorée et le manifeste par des arrêts de travail auxquels appelle leur syndicat (le SNAPAP) par des arrêts de travail qui mettent en péril le quotidien des citoyens aggravé par les protestations des agents de l'éducation, de l'université et des médicaux depuis 17 ans déjà.
Droits légitimes et vaines promesses à l’origine du malaise général
Les gouvernements se suivent et se valent quant à leur attitude sur le registre des syndicats et excellent dans le report des promesses – pourtant signées sur PV officiel – ce qui attise les grèves qui touchent de par la sensibilité des secteurs respectifs le gros de la population active et rendent vaines les attentes des employés.
C’est dire combien le chemin parcouru était difficile, long, et plein d’engagements non tenus si l’on exclue les maigres acquis enregistrés en matière salariale acquise sous la pression des luttes syndicales.
Les syndicats ont, toutefois, eu toujours une tendance à l’apaisement pour déjouer la fuite en avant qu'ils considèrent "méprisante et provocatrice" des gouvernants envers des revendications légitimes mais "non reconnus".
Il a fallu énormément de temps pour décrocher cette ultime compréhension et reconnaissance des staffs exécutifs à œuvrer pour réduire la liste des droits revendiqués annuellement et non réglés définitivement. Le titre de « partenaires sociaux », montrant l’ensemble des syndicats actifs au même titre que l’UGTA, par exemple, a été acquis après des années de lutte pour substituer les attributs tels « perturbateurs », « anarchistes » ou «fauteurs de troubles ».
Deux organisations célèbres du secondaire ont ouvert le bal en septembre 2003 pour tenir en arrêt les lycées pendant plus de 6 mois. Le secteur de l’éducation a été marqué par plus de 190 jours de grèves, dont neuf (09) semaines de grève rien qu’en 2003. Le CNAPEST et le CLA ont réussi à chasser toutes les organisations syndicales dans l’enseignement secondaire y compris l’UGTA et l’UNPEF en mobilisant tout le secteur grâce à trois revendications : l’élaboration d’un nouveau statut particulier de l’éducation; l’augmentation des salaires à 100 %; la retraite dans le secteur de l’éducation à partir de 25 ans de service.
Du CNAPEST (déclencheur des longues grèves de 2003) au SNAPEST (dernier né des syndicats autonomes dans la famille de l’éducation issu de la scission du premier), les choses se sont quelque peu améliorées mais le conglomérat des syndicats autonomes (10 au total) n’oublient pas que les ministres qui se sont succédé au niveau de ce département ministériel – avant Madame NouriaBenghabrit - ont laissé des séquelles indélébiles au sein de la corporation.
De la diabolisation des grévistes aux messages amicaux et commissions mixtes
Depuis Benbouzid à Abdelhakim Belabed en passant par Baba Ahmed et Nouria Benghabrit les syndicats ont pris leur mal en patience, versant parfois même de l’eau au moulin du ministère, en adhérant à l’option dialoguiste prônée timidement par les ministres du secteur afin de préserver les acquis de la refonte scolaire et la sauvegarde de l’école en général. Mais l’entêtement des ministres tentent de gagner du temps pour en faire perdre aux écoliers et lycéens afin qu’ils se retournent contre leurs maîtres.
Il faut rappeler que Madame Benghabrit a tenté l’usage du bâton en ayant même l’ingénieuse idée de sacrifier des milliers d’enseignants sur l’autel des débrayages par un plan antigrèves. La ministre a procédé par remplacer les grévistes en distribuant, en 2015, des CD pédagogiques pour pallier à l’interruption des cours causée par les éducateurs tout en menaçant de recourir au licenciement des grévistes.
Le projet de loi interdisant la grève dans l’enseignement – droit constitutionnel – comme en Allemagne n’a pas tenu la route et avait buté sur un barrage parlementaire. Toutefois, elle a vite révisé sa copie en substituant sa menace par le rapprochement avec les syndicats qui gagnaient en maturité, en les invitant à des séminaires pédagogiques et recommandant à son tour l’apaisement sous la menace du spectre de l’année blanche.
Tout en invitant en 2016 la coordination des syndicats autonomes, drivée par le doyen des professeurs et néanmoins coordinateur du SNAPEST, Méziane Mériane, dont l’agrément ne fut acquis qu’en 2010, madame la ministre venait de déjouer une situation à risques hérités de ses prédécesseurs et gagna en confiance. Elle a même pu convaincre de la nécessité d’un pacte socio-éducatif dont la plate-forme stipule l’association des syndicats aux séances de réflexions et de concertation sur les décisions à venir quant à la concrétisation des revendications socioprofessionnelles et l’amélioration des conditions du travail.
Elle a préféré ouvrir les portes de son département pour discuter avec les représentants des enseignants tous paliers confondus avec pour premier souci la réussite de la réforme pédagogique.
La rue ayant tranché en faveur des syndicats, qui mobilise à chaque fois des milliers d’enseignants lors des actions de protestation, la ministre de l’éducation avait fini par comprendre que le recours systématique au bâton ne pouvait intimider une corporation passée pour être le parent pauvre de la Fonction publique et en rebellion envers le statu quo.
De leur côté, les parents ne défendaient pas toujours leurs enfants, car les retombées des acquis de ces protestations seront positives pour l’école, la scolarité de l’enfant, son avenir ainsi que celle de toute la famille de l’enseignement.
Les grévistes mettaient souvent du leur pour qu’ils ne « pénalisent pas nos enfants ». Mieux, le ministère qui diabolisait presque tous les syndicats, pendant si longtemps, s'est ressaisit sous le règne de Madame Nouria Benghabrit et envoyait des messages amicaux à leurs animateurs.
M. Meriane - cofondateur du CNAPEST - ne tarit d'ailleurs pas d'éloges sur les actes épisodiques positifs et ses invitation au dialogue qui ont permis à la fois de sauvegarder l’école d’un sinistre latent et préserver les acquis légitimes et mérités.
Des années de grèves et du temps perdu
Il faut rappeler qu’il aura fallu 7 ans de grèves pour voir l’application d’une nouvelle grille de salaires et 10 ans pour l’élaboration du statut particulier de l’éducation. Mais en réalité aucune de ces revendications n’a été vraiment arrachée, car s’il y a eu augmentation de salaire dans le secteur de 100 %, celui du pouvoir d’achat a diminué de plus de 100 % et s’il y a eu élaboration d’un nouveau statut, celui-ci est marqué par de multiples contradictions, dysfonctionnements et injustices qui nécessitent une révision totale et nonpartielle.
L’avantage de ces grèves déclarées « illégales » par le gouvernement fut, que ce n’est pas uniquement le secteur de l’éducation nationale qui en a bénéficié, mais aussi toute la Fonction publique, car la nouvelle grille de salaires a concerné tous les secteurs qu’elle affilie, la révision du statut a aussi touché tous les fonctionnaires.
En ligne de mire, le corps de la santé qui est lui-aussi agité pour les mêmes revendications phares – dénominateurs communs - mais néanmoins spécifiques à un corps qui emploie les quelque 250 milles employés, tous les intervenants de la chaine médicale réunis.
Les communiqués et actes des syndicats de la santé se suivent et se ressemblent dans leur finalité qui n’est autre que l’amélioration du fonctionnement du secteur et le perfectionnement du rendement des personnels y travaillant.
Une amélioration qui passe par une réforme radicale du système hospitalier qui a montré ses limites depuis de longues années déjà.
Dans l'état actuel des choses et en attendant l'actualisation des textes de loi nationaux et leur mise en conformité avec les lois internationales en matière de liberté syndicale, la reconnaissance des doits légitiqmes, le droit de regroupement en confédération ou en d'autres unions syndicales le combat continue.. le dialogue aussi.
** Fait par Mohamed Salah Bouanaka