Les discussions tripartites entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan autour du méga-barrage construit en amont du Nil bleu se poursuivaient lundi sur fond de critiques et reproches mutuels.
Le 9 juin dernier, les trois pays impliqués dans le différend autour du barrage de la Renaissance en construction (Soudan, l'Egypte et l'Ethiopie), ont repris, en vidéoconférence, le dialogue pour tenter de sceller un compromis sur le partage des eaux du Nil, le fleuve mythique d’Afrique.
Ces entretiens ont porté sur les questions techniques liées à l'exploitation du barrage et au remplissage de son immense réservoir pendant les saisons des pluies et de la sécheresse, mais l'Ethiopie a soumis une proposition rejetée par l’Egypte et le Soudan.
Cette proposition, selon la partie égyptienne, est "très dérangeante" et elle "n'est pas juridiquement et techniquement valable", car elle est "injuste" pour les deux pays situés dans les eaux du Nil Bleu.
L'Egypte estime qu'"elle a le droit d'utiliser tous les moyens disponibles pour défendre les intérêts de son peuple", tandis qu'Addis-Abeba s'engage à se défendre vigoureusement et à "ne pas négocier sa souveraineté sur le barrage contesté".
Dans une dernière déclaration, faite lundi à des médias locaux, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, a confirmé que son pays pourrait "recourir à d'autres options si l'Ethiopie continuait à être intransigeante lors des négociations".
L'Egypte pourrait, selon le chef de la diplomatie égyptienne, envisager de faire appel au Conseil de sécurité des Nations unies.
De son côté, l'Ethiopie qui dit "souhaiter se développer avec les autres, sans heurter les intérêts des autres pays, a réitéré dimanche son attachement à une "véritable négociation" basée sur la transparence.
Le pays a rejeté, en outre, une récente réaction du Caire qui a accusé Addis-Abeba de vouloir prendre l’Egypte en "otage" dans les négociations sur le grand barrage La Renaissance.
Le dialogue est une opportunité de rétablir la confiance, selon l’UE
Le processus en cours, a été interrompu en janvier, après que les Etats-Unis ont poussé à la signature d'un accord considéré par l'Egypte comme "juste et équitable", ce qui avait suscité le courroux de l'Ethiopie, accusant Washington d'être "non-diplomatique".
Pour William Davison, de l'International Crisis Group, une organisation de prévention des conflits, il est "plus nécessaire que jamais de faire des concessions afin qu'un accord puisse être trouvé pour limiter des tensions potentiellement dangereuses".
Une solution pourrait par exemple se dessiner, selon lui, si l'Ethiopie "propose un programme détaillé de gestion de la sécheresse qui prenne en compte les inquiétudes de l'Egypte et du Soudan, mais qui ne contraigne pas le potentiel du barrage de manière inacceptable".
Selon l'Union européenne (UE), la reprise des discussions est "une opportunité importante de rétablir la confiance entre les parties, d'avancer sur la base des progrès effectués et de trouver un accord qui offre à tous une solution bénéfique", a déclaré la porte-parole de l'UE Virginie Battu-Henriksson.
Les craintes des uns et des autres
Appelée à devenir la plus grande installation hydroélectrique d'Afrique, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd) que l'Ethiopie construit sur le Nil Bleu--qui rejoint au Soudan le Nil Blanc pour former le Nil-- est une source de fortes tensions entre Addis-Abeba et Le Caire depuis 2011.
Si le projet promet " de faire sortir l'Ethiopie de la pauvreté", selon Addis-Abeba, le Caire craint que le barrage de 145 mètres de haut ne restreigne leur accès à l'eau lorsque le réservoir commencera à être rempli en juillet.
Le Nil, qui coule sur quelque 6.000 kilomètres, est une source d'approvisionnement en eau et en électricité essentielle pour une dizaine de pays d'Afrique de l'Est.
Mais si l'Egypte s'inquiète en particulier pour son approvisionnement en eau, le Soudan pourrait en tirer certains avantages comme la fourniture d'électricité utile au développement et la régulation des crues du fleuve.