La mort d’une vingtaine de personnes dimanche dernier dans une frappe aérienne dans le centre du Mali, menée par la force française Barkhane, continue de faire grand bruit au sein de la population malienne et accentue davantage le sentiment antifrançais au Sahel.
L'attaque dans le village Bounty, cercle de Douentza, survenue après la mort en 48 heures de cinq soldats français dans des attaques dans le pays est perçue comme une "représaille ", bien que l'armée française ait démenti en affirmant avoir "neutralisé" des dizaines de terroristes, rapportent des médias maliens.
Pour l’association malienne peule Tabital Pulaaku, les victimes de l'attaque du village de Bounty "sont des civiles qui célébraient un mariage".
Une liste provisoire des victimes a été partagée par l’association Tabital Pulaaku sur les réseaux sociaux où l’affaire fait grand bruit.
Et beaucoup s’interrogent sur le silence des autorités maliennes depuis la frappe aérienne."Le silence des autorités sur l’attaque aérienne sur les civils à Bounty dans le cercle de Douentza me tue. Dites-nous quelque chose s’il vous plait. qu’est-ce qui s’est passé? Qui est responsable ?Votre silence fait tellement mal ", s’est indignée Adam Dicko, une jeune malienne très suivie sur les réseaux sociaux.
Ainsi, le silence observé jusqu'alors par les autorités maliennes ainsi que les forces armées françaises a laissé le champ depuis dimanche à un flot de spéculations.
Ce n'est pas la première fois que des attaques assimilées à des"représailles" sont menées au Sahel provoquant souvent la colère et l'indignation des populations de la région qui déplorent souvent "le silence" des dirigeants de leurs pays.
Dans ce contexte, Corinne Dufka, directrice Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch (HRW), a déclaré récemment que "les allégations d’abus commis par les armées du Sahel évoluent dangereusement. Les attaques terroristes de plus en plus meurtrières sont trop souvent suivies d’apparentes attaques de représailles. Les soldats - pleurant la mort et la mutilation de leurs collègues - vengent leur mort en tuant des civils non armés ou des suspects".
Pour cette responsable, "le manque d'enquêtes sur les incidents croissants et le manque de démarches publiques fortes de la part des partenaires internationaux, ont été perçus comme un feu vert par les armées en question, dont les dirigeants ne semblent pas craindre d'être tenus pour responsables".
La présence des forces étrangères dans la région du Sahel est de plus en plus contestée et fait face à un rejet grandissant chez les habitants du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
Au Mali, ils sont de plus en plus nombreux à demander le départ des soldats de l'opération Barkhane, émettant le doute sur l'utilité de ces troupes déployés au nom de la lutte antiterroriste et de la protection des civils.
D'ailleurs, en septembre dernier lors de la commémoration du 60e anniversaire de l'indépendance du Mali, le Mouvement "France dégage!" avait organisé un grand rassemblement contre la présence française au Mali.
"Notre Nation, demeure toujours rongé par la misère et la guerre. Pour les territoires coloniaux, Il ne saurait pas être question du self- gouvernement même dans un futur lointain et la France poursuivra cette politique de refus avec détermination", avait déploré le mouvement, indiquant que, " pendant des années, la France ne cesse d’envahir et d’occuper les territoires du Mali, en violant les grands principes qui conditionnent les relations entre Etats".
Et face à la montée du sentiment antifrançais au Sahel et après la mort de soldats français dans un accident d'hélicoptère au Mali, le président Emmanuel Macron a, lors du sommet (G5/Sahel) de Pau en janvier 2020, menacé de retirer les troupes françaises dans cette région.
La France dispose de 5.100 soldats déployés au Sahel pour une mission de lutte contre le terrorisme.
Mais, le pays compte très probablement" réduire les effectifs de sa force, a annoncé lundi dernier la ministre française des Armées, Florence Parly, en dénonçant les "méthodes pernicieuses" des terroristes après la mort des cinq soldats français début janvier.
Une décision sera prise à l'occasion du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N'djamena, d'après Florence Parly.
(APS)