La situation des droits de l'Homme s'est détériorée en 2020 de façon significative au Maroc sur fond de répression contre les voix libres, à l'instar des commentateurs des réseaux sociaux, des artistes et des journalistes exprimant des opinions critiques à l'égard du régime marocain, selon un nouveau rapport de l'ONG Human Right Watch (HRW), publié mercredi.
L'ONG, basée à Washington, met en exergue dans son rapport annuel sur la situation des droits de l'Homme dans le monde la répression subie par les commentateurs des réseaux sociaux, les artistes et les journalistes exprimant des opinions critiques à l’égard de la monarchie, faisant savoir que, "bien que le code de la presse ne prévoit pas de peine de prison pour sanctionner des critiques, les autorités continuent de recourir à certains articles du code pénal pour emprisonner des détracteurs".
Elle précise "qu'avant même que les manifestations et les réunions publiques ne soient interdites afin de contenir la propagation Coronavirus, les autorités avaient déjà interdit plusieurs réunions publiques des groupes d’opposition et continué d’entraver les activités de certaines organisations de défense des droits humains".
Citant des exemples d'atteintes aux droits de l'Homme, le rapport de HRW évoque, entre autres, de la violation du droit du prévenu de contacter un avocat lors de son interrogatoire par la police, précisant "qu'il est fréquent que les agents de police contraignent les détenus (...), à signer des déclarations auto-incriminantes, sur lesquelles les juges s’appuient par la suite pour les condamner".
Evoquant d'autres formes de violation des normes internationales, l'ONG cite également "le cas de certains détenus de renom qui ont été gardés à vue au secret 23 heures par jour et donc privés de contacts avec les autres détenus".
En 2020, les autorités marocaines ont continué d’entraver le travail de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), la plus grande organisation de défense des droits humains du pays, souligne par ailleurs HRW, assurant que cette association a affirmé que, 79 de ses 99 antennes locales ont vu les autorités refuser de s’occuper de leurs formalités administratives, ce qui limitait leur capacité à effectuer certaines démarches comme l’ouverture de nouveaux comptes en banque ou la location d’espaces.
Harcèlement judiciaire contre les opposants
D'autre part, le rapport de l'ONG fait état de poursuite en justice et emprisonnement de plusieurs activistes et journalistes indépendants sur la base de chefs d’accusation douteux.
HRW revient sur le cas du journaliste et activiste des droits humains, Omar Radi poursuivi sous divers chefs d'inculpations comprenant espionnage, atteinte à la sûreté extérieure et intérieure de l’Etat, ivresse publique et fraude fiscale, notant que les deux premiers chefs d’accusation, qui découlent de son activité de journaliste et chercheur, semblent reposer sur des indices très ténus.
Et rappelle que plusieurs journalistes marocains ont eu à dénoncer des sites internet d’information qu’ils ont qualifiés de " médias de la calomnie" à cause de leurs attaques incessantes et apparemment coordonnées contre les journalistes, activistes et artistes marocains qui critiquent les autorités, en publiant notamment des informations privées comme les relevés bancaires et de propriété, les captures d’écran de conversations électroniques privées, les allégations relatives à des relations sexuelles ou les menaces de rendre publiques ces relations.
Entre septembre 2019 et janvier 2020, les autorités ont arrêté et poursuivi en justice au moins 10 activistes, artistes, étudiants ou autres citoyens dans différentes villes, pour leurs commentaires critiques mais non violents des autorités exprimés par des affichages sur Facebook, dans des vidéos sur YouTube et via des chansons de rap.
Ils ont été condamnés à des peines de prison pour des chefs d’inculpation tels que d’avoir fait preuve d’un "manque de respect dû au roi", "offense aux institutions de l’Etat " et " outrage envers des fonctionnaires publics".
Parmi les activistes arrêtés, figure notamment le cas de Mohamed Sekkaki, un commentateur populaire sur YouTube âgé de 30 ans et surnommé "Moul Kaskita" (L’homme à la casquette) condamné à 4 ans de prison pour avoir diffusé une vidéo critiquant le roi Mohammed VI.
Concernant les violences faites aux femmes, HRW précise que les lois au Maroc n’établissent pas les devoirs de la police, des procureurs et des juges d’instruction dans les cas de violence conjugale, et ne prévoient pas non plus de financement pour les refuges pour femmes battues.