Me Nadia Aït Zai : « Il faut des juges spécialisés dans les droits de l’enfant »

Me Nadia Aït Zai, Avocate et militante des droits de la femme et de l'enfant

L’arsenal juridique qui protège l’enfant couvre tous les domaines, affirme Me Nadia Aït Zai. L’avocate et militante des droits des femmes et des enfants, participait ce jeudi matin, à l’Invité de la rédaction de la Chaine 3, de la Radio Algérienne. Elle revient sur l’affaire du manifestant mineur qui accuse la police de violences lors de son interpellation.

Pour l’avocate, la loi est claire s’agissant des mineurs. Il suffit juste de l’appliquer. « Lorsqu’un enfant est interpellé par les forces de l’ordre dans la rue, au milieu de la foule, le commissariat doit impérativement, selon la loi de 2015 sur la protection de l’enfant, appeler le représentant légal de l’enfant, le faire accompagner d’un avocat et permettre à l’enfant de passer un appel téléphonique. L’interrogatoire doit se faire en présence du parent tuteur », rappelle Me Nadia Aït Zai.

« Il faut remettre l’enfant au centre des préoccupations »

L’avocate et militante des droits des femmes et des enfants plaide pour une spécialisation des juges chargés du droit des enfants. « Aujourd’hui, le juge des mineurs peut être à la fois juge d’instruction et juge des mineurs. Or, nous avons toujours demandé une spécialisation des juges sur les droits de l’enfant. » Me Nadia Aït Zai insiste et recommande de choisir des juges expérimentés pour traiter avec les enfants. « Comme pour le juge des affaires familiales, nous avons demandé des critères d’expérience car ces juges doivent être pourvus d’une connaissance approfondie sociologique et psychologique puisqu’ils doivent mener des interrogatoires de façon à ce que l’enfant ne soit pas traumatisé. »

A l’ère des réseaux sociaux, la Justice doit mieux communiquer  

Pour l’avocate, l’exposition médiatique et sur les réseaux sociaux ne doit pas interférer dans le travail de la justice. «  Seul l’enfant m’intéresse. Il faut le sortir du champ, lui faire subir une expertise et un suivi pour le protéger. » Me Nadia Aït Zai estime que « les réseaux sociaux sont une nouvelle forme de communication et ceci doit amener les services de la justice ou autre à mieux communiquer sur ce type d’affaires.» L’avocate appelle la Justice à prendre de la hauteur. « La loi est au-dessus de tout et l’Etat est régulateur et protecteur de nos droits. Il faut que lui-même [l’Etat Ndlr] et ses institutions sachent se mettre au-dessus de ces manipulations, qui viennent de parts et d’autres. Il y a une instruction en cours et c’est le juge, par sa décision, qui mettra fin à ces manipulations.»

La militante des droits des femmes et des enfants appelle également les médias à traiter ces informations avec davantage de précautions. « La communication du procureur chargé de l’affaire doit également être objective. Tenir des conférences de presse commence à rentrer dans les meurs mais il faut encore l’améliorer pour qu’elle ne laisse pas de doute. Les journalistes aussi doivent êtres formés à l’investigation car dans leur recherche du scoop, ils participent à la manipulation », insiste Me Nadia Aït Zai.

« Il faut respecter le principe de présomption d’innocence »

L’avocate le concède, la brutalité policière est un phénomène mondial. « Lors d’une interpellation, on l’a vu dans tous les pays du monde, il y a souvent des dépassements », constate Me Nadia Aït Zai, qui appelle les services de sécurité à se former pour un meilleur respect des droits humains. « Il faut apprendre comment interpeller les gens sans abus ni dépassements, car même dans l’arrestation, il y a des gestes qui permettent d’arriver au respect de la personne humaine. Comment mettre les menottes, comment interpeller la personne ou comment sortir la personne de chez elle et ne pas utiliser de gestes brutaux. » Me Nadia Aït Zai insiste sur la nécessité d’apprendre à bien traiter une personne que l’on soupçonne d’avoir commis des actes contraires aux lois car, rappelle-t-elle, « cette personne reste présumée innocente.»  

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