Le ministre de l’Energie, Abdelmadjid Attar, a affirmé mardi à Alger que la taxe sur la consommation des carburants à chaque sortie aux frontières du pays limitera les pertes issues de la contrebande de cette matière subventionnée.
Auditionné par la Commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN) dans le cadre du débat du projet de loi de finances (PLF) 2021, M. Attar a précisé que cette taxe "n’éliminera pas le phénomène de la contrebande mais limitera les pertes qu’elle engendre", assurant que "cette taxe n'aura pas d'impact sur le citoyen lambda".
Le PLF 2021 propose en effet l’institution d’une taxe sur la consommation des carburants des véhicules et camions (essence et gasoil) à chaque sortie aux frontières du pays.
Les tarifs de cette taxe sont appliqués comme suit : 2500 DA pour les véhicules touristiques, 3000 DA pour les véhicules utilitaires et camions moins de 10 tonnes et 10.000 DA pour les camions de plus de 10 tonnes ainsi que les bus.
Expliquant cette nouvelle taxe proposée par le ministère de l’Energie, M. Attar a fait savoir que les ventes du carburant dans les wilayas frontalières représentent 14 % du total des ventes nationales.
Concernant le gasoil, sa consommation dans les wilayas frontalières et les wilayas limitrophes représente 70 % de la consommation nationale, a ajouté le ministre qui a rappelé que l’Algérie a importé près de 2000 milliards de DA de carburant entre 2010 et 2019.
M. Attar a mis l'accent dans ce cadre sur l'impératif de rationnaliser la consommation du carburant, de limiter son importation qui coûte au Trésor public des sommes colossales, et d’accroitre les recettes de l’Etat, tout en œuvrant à réduire les aides de l’Etat en faveur de la Sonatrach.
Plusieurs membres de la Commission des finances et du budget se sont opposés à l'institution de cette taxe qui ne prend pas, selon eux, en ligne de compte la réalité sociale dans ces zones frontalières, outre son impact sur la dynamique économique dans ces régions.
"Cette taxe ne pourra pas mettre un terme au phénomène de la contrebande, celle-ci se déroulant généralement en dehors des postes frontaliers officiels", ont-ils argué.
Subventions aux carburants importés : des dettes s'élevant à 897 milliards/DA durant la période 2015-2020
Le ministre a dévoilé, par ailleurs, le montant des dettes représentant les subventions des prix de carburants importés durant la période 2015-2020 qui s'est élevé à près de 897 milliards DA, dont 145 milliards en 2020.
Sonatrach à elle seule a payé, jusqu'à ce jour, un montant de 53,4 milliards DA aux unités de dessalement de l'eau de mer "sans aucune compensation en contrepartie".
Interrogé sur la loi sur les hydrocarbures, adoptée fin 2019, le ministre a précisé que la loi n'a pas eu encore d'effets sur le terrain, ses textes d'application n'ayant pas encore été publié.
Sur ce point, il dira que l'élaboration de ces décrets a débuté dès le 26 juillet dernier, et a été confiée à des commissions spécialisées comptant 65 cadres.
Plus précis, il a expliqué que 30 textes avaient été finalisés, dont 27 textes d'application soumis au Secrétariat général du Gouvernement (SGG), avant de réitérer son engagement à parachever l'ensemble des 43 décrets d'ici fin 2020.
Cette étape sera suivie d'une campagne internationale en vue de convaincre les compagnies pétrolières d'investir en Algérie, et ce dans le but de compenser les réserves, soit à travers l'exploration de nouveaux gisements ou la modernisation des gisements existants et l'utilisation des nouvelles technologies en la matière.
Rassurant quant aux réserves du pays en pétrole qui restent suffisantes d'ici 2040, le ministre a, toutefois, mis en garde que la rente pétrolière diminuerait fortement, à partir de 2026, avec l'orientation des réserves actuelles vers la consommation intérieure et la réduction du volume d'exportations, n'excluant pas la possibilité de surseoir à tout cela jusqu'à 2032 si de nouveaux gisements sont exploités.
Commentant ses précédentes déclarations concernant l'initiative Desertec, "un projet qu'il faudra oublier", M. Attar dira que ses propos ont été mal interprétés, en ce sens qu'il visait par là, la première version du projet, présentée en 2009.
Ce projet a connu, depuis, des "avancées considérables", affirme le ministre, rappelant que les relations entreprises avec l'initiative industrielle allemande "Desertec" suivent leur cours, d'autant plus que l'Algérie est favorable à tout partenariat à même de promouvoir les énergies renouvelables.
Par ailleurs, M. Attar a refusé de commenter l'acquisition par Sonatrach de la raffinerie "Augusta" en Italie, "l'affaire étant au niveau de la Justice", a-t-il dit, faisant savoir que la structure continue, cependant, à fonctionner.
Lors de cette séance supervisée par le président de la commission, Ahmed Zeghdar, en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Besma Azouar, les députés ont mis l'accent sur l'impératif d'accélérer la cadence de réalisation des projets de raccordement à l'énergie au profit des investisseurs, notamment dans le domaine agricole, compte tenu de l'importance que revêt notamment l'énergie solaire dans les Hauts-plateaux et le Sud du pays.
De même qu'ils ont jugé impératif de revoir les études liées aux projets dans les zones d'ombre afin d'éviter tout gaspillage des deniers publics.
A ce sujet, un des membres de la commission a estimé que certains projets constituent en soi "un gaspillage dans la dimension sociale au détriment du principe de l'économie" , s'interrogeant d'ailleurs sur l'intérêt des projets de raccordement au gaz à des sommes colossales au profit de zones très reculées sans rendement économique.
Les projets relevant des nouvelles raffineries ainsi que la problématique de stockage des matières pétrolières en milieu urbain ont également été évoqués par les députés, lesquels ont mis en avant la nécessité d'améliorer la gestion des compagnies d'énergie, notamment la Sonatrach et Sonelgaz, et de hâter la concrétisation de la transition énergétique.