Le braille, ou écriture & dessin en relief, libère, par la prouesse de rapprocher les non-voyants de la réalité du monde artistique. En brillant encore pour le monde noir des aveugles, il permet à ces derniers de voir par le toucher des tableaux d'art connus mondialement.
Plusieurs expositions proposent aux visiteurs malvoyants de découvrir les classiques de la peinture et de la sculpture européennes. Parmi elles, «Touchez le Prado» à Madrid, où le musée a mis en relief plusieurs de ses tableaux les plus célèbres.
Une réplique de La Joconde de Léonard de Vinci fait partie des six œuvres mises en relief pour l'exposition.
Ici, pas de panneau «ne pas toucher» traditionnellement accroché près des œuvres. Dans l'exposition «Touchez le Prado», ouverte depuis janvier au célèbre musée de Madrid, les visiteurs n'en finissent pas de faire courir leurs doigts sur les perles de la peinture classique.
Le Greco, Goya, Velazquez, De Vinci... six des toiles les plus iconiques du musée ont été reproduites en relief, ajoutant texture et volumes aux originaux pour permettre aux visiteurs malvoyants de découvrir à leur tour ces tableaux mondialement connus.
«Il y a beaucoup de choses à découvrir», se réjouit Jose Pedro Gonzalez, en effleurant du doigt les plis de la tunique d'Apollon sur «La Forge du Vulcain», la célèbre peinture de Velazquez. Aveugle depuis l'âge de 14 ans, c'est quarante ans plus tard que cet Espagnol peut enfin apprécier le musée par lui-même. «Cette exposition est géniale. Jusqu'ici, le seul moyen pour un aveugle d'accéder à la peinture, c'était à travers les explications d'une autre personne». Et il ne s'en lasse pas : depuis son ouverture, en janvier, c'est un habitué de l'exposition.
Grâce au soutien de l'influente association nationale pour les aveugles, la ONCE, le musée a tout mis en place pour rendre la visite la plus confortable possible : des gamelles sont mises à la disposition des chiens guides et un guide audio conseille les visiteurs sur la meilleure façon d'explorer les œuvres. A la vue de son succès, le Prado prévoit de faire circuler l'exposition dans d'autres villes espagnoles après sa clôture à Madrid, le 18 octobre.
Une tendance en expansion
De nombreux musées espagnols se sont lancés dans l'aventure. Au musée d'art moderne Reina Sofia, qui abrite le chef-d'œuvre de Picasso «Guernica», les visiteurs aveugles sont ainsi autorisés à toucher certaines sculptures. Le Musée du costume leur permet aussi d'effleurer la collection permanente de tenues historiques, comptant des pièces remontant jusqu'au XVIe siècle.
«Cela aide non seulement les aveugles, mais aussi tous ceux qui ont un handicap quel qu'il soit», estime Angel Luis Gomez Blazquez, directeur du département sports et loisirs de la ONCE. L'association pour les aveugles conseille les conservateurs sur la manière d'améliorer l'expérience tactile. Elle a d'ailleurs son propre musée pour les mal voyants.
Situé à Madrid, ce musée présente en outre des modèles réduits de 34 monuments célèbres, tels que la tour Eiffel, le Taj Mahal et le Kremlin. Une façon pour les visiteurs de se projeter dans leurs vacances.
«Les gens viennent parfois pour toucher les modèles réduits d'endroits qu'ils s'apprêtent à visiter, ou des monuments qu'ils ont vus avant de devenir non-voyants», raconte la guide du musée, Estrella Cela, elle-même aveugle. «Cela sert aussi à ça, à se rappeler de choses que l'on connaît déjà».
La tendance prend aussi Outre-Atlantique. Le Metropolitan Museum of Art de New York organise des visites guidées, des classes de dessin et des ateliers spécialement destinés aux visiteurs aveugles.
«Le Met est à l'avant-garde de ce mouvement», se réjouit Elisabeth Axel, présidente et fondatrice d'Art Beyond Sight, une association ayant son siège à à New York qui oeuvre pour l'accès des aveugles aux musées.
Selon elle, de plus en plus d'établissements dans le monde rendent leurs collections accessibles aux non-voyants. «Les musées font réellement des efforts pour inviter tous les publics à des expositions multi-sensorielles» A quand une version tactile du «Déjeuner sur l'herbe» au Musée d'Orsay ?
