Confronté à une réelle crise politique dans son pays, le président burundais Pierre Nkurunziza a reporté mercredi les élections législatives et communales au 5 juin, prévues initialement le 26 mai, pour "répondre aux demandes" de la communauté internationale, et de l'opposition qui poursuivait sa mobilisation dans les rues contre un troisième mandat du chef de l'Etat.
"Les Burundais sont appelés aux élections des conseils communaux et des départements le 5 juin", a déclaré Willy Nyamitwe, conseillé en communication du président.
Selon lui, le chef de l'Etat a ainsi suivi une recommandation de la Commission électorale (Céni) et répondu aux demandes de l'opposition politique burundaise et de la communauté internationale.
Néanmoins cette annonce n'a pas empêché les manifestants anti-troisième mandat à poursuivre leur mobilisation mercredi, marquée par le retour en force de la police dans les quartiers contestataires, en particulier à Musaga.
Les policiers qui tentaient de disperser les manifestants par des tirs de balles ont tué un soldat a affirmé un de ses collègues militaires, faisant grimper le bilan de morts depuis le début des manifestations le 26 avril.
Couronnement des efforts internationaux
Ces dernières semaines, les communautés internationale et régionale, Etats-Unis, Européens, mais aussi Union africaine ou pays d'Afrique des Grands Lacs ont appelé à un report des élections, jugeant impossible leur tenue vu les évènements en cours et le niveau de tension politique.
Mardi, les pays des Grands Lacs ont recommandé le report sine die des élections au Burundi, jugeant que "les élections doivent être reportées sine die jusqu'au retour d'une stabilité permettant la tenue d'élections libres et justes".
Ce report intervient grâce aux efforts de l'Envoyé spécial des Nations Unies pour les pays des Grands Lacs Saïd Djinnit, qui avait effectué lundi des consultations avec les partis politiques, la société civile, la communauté diplomatique, les responsables gouvernementaux et des organisations religieuses burundaises.
L'envoyé spécial de l'Onu algérien a rencontré mardi le président burundais pour souligner sur "la nécessité d'un dialogue politique national dans les jours à venir entre tous les Burundais" afin de créer les conditions nécessaires à la tenue d'élections "pacifiques, transparentes, inclusives et crédibles".
Préoccupés par la décadence de la situation, les pays voisins comme le Kenya a réitéré également son appel à reporter les élections au Burundi.
Le président kényan Uhuru Kenyatta a estimé qu'un report des élections législatives et présidentielle permettrait de trouver une solution.
L'Union européenne a pour sa part recommandé "dans les limites constitutionnelles" un report limité pour qu'un nouveau président puisse être élu et investi avant que le mandat en cours de Pierre Nkurunziza ne se termine fin août.
La semaine dernière, les chefs d'Etat de la Communauté est-africaine (EAC) en sommet à Dar es-Salaam avaient également appelé à un report des élections mais pas au-delà de la date d'échéance légale prévue pour l'actuel pouvoir.
Situation humanitaire : l'OMS s'alarme
Terrorisés par le climat pré-électoral, plus de 105.000 Burundais, selon l'Onu, ont fui ces dernières semaines dans les pays voisins, au Rwanda, en République démocratique du Congo et en Tanzanie.
Le chiffre de réfugiés ayant fui le Burundi a plus que doublé en une semaine. Près de 70 200 Burundais se sont réfugiés en Tanzanie. Environ 26 300 personnes sont entrées au Rwanda et près de 9 200 sont partis en République démocratique du Congo.
L'organisation mondiale de la Santé (OMS) a indiqué que la situation est "particulièrement inquiétante" en Tanzanie. Les infrastructures locales croulent sous l'arrivée quotidienne d'entre 500 et 2000 nouveaux réfugiés et que l'eau potable commence à manquer et les services de santé sont submergés.
Des cas graves de diarrhée et de choléra sont confirmés parmi les réfugiés
Des experts qui ont étudié la situation recommandent l'adoption de mesures d'urgence pour garantir une réponse adéquate dans la région de Kigoma, près de la frontière avec le Burundi, a dit l'OMS.
Des rapports du HCR indiquent qu'au moins 10 000 personnes encore attendent de traverser la frontière pour la Tanzanie.
La gravité de la crise socio-politique et humanitaire qui secoue le Burundi a poussé plusieurs organisations politiques de Belgique à créer un comité de solidarité et de suivi de la crise politique et humanitaire au Burundi, afin de collecter de l'aide aux manifestants et aux sinistrés.