Le directeur général du Trésor, Fayçal Tadinit, a indiqué jeudi à Alger que le Trésor avait besoin de près de 570 milliards DA pour couvrir son déficit jusqu'à fin 2017, mettant en avant l'«efficacité» du financement non conventionnel pour le rétablissement des équilibres budgétaires s'il est utilisé à bon escient.
La loi de finances 2017 tablait sur près de 6.002 milliards de dinars de recettes et 7.115 milliards de dinars de dépenses, soit un déficit de 1.113 milliard de dinars, que le Trésor couvre partiellement, a précisé M. Tadinit lors de la présentation de la situation financière du Trésor devant la commission des finances et du budget de l'Assemblée populaire nationale (APN).
Il reste à couvrir 570 milliards de déficit, d'où la nécessaire modification de la loi sur la monnaie et le crédit, a-t-il ajouté.
Le directeur général du Trésor a été auditionné par la commission dans le cadre de l'examen du projet de loi complétant et modifiant l'ordonnance relative à la monnaie et au crédit qui vise à permettre à la Banque Algérie de procéder, à titre exceptionnel et durant une période de cinq années, à l'achat directement auprès du Trésor, de titres émis par celui-ci, à l'effet de participer à la couverture des besoins de financement du Trésor et du Fonds National d'Investissement (FNI), au financement de la dette publique interne et au rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et Sonatrach.
Concernant ledit projet de loi, M. Tadinit a précisé que «le financement non conventionnel est une technique financière connue qui a fait ses preuves dans certaines circonstances». «La conjoncture actuelle nous impose d'aller vers ce type de financement», a-t-il soutenu.
S'agissant des répercussions de ce mode de financement, le même responsable a précisé «si certains experts focalisent sur la mise en exergue des inconvénients de ce financement, d'autres disent que c'est un outil qui peut être efficace si on en fait bon usage, d'autant que nous nous trouvons dans une situation qui exige son utilisation, vu que l'emprunt étranger n'est pas autorisé».
Pour ce qui est des conditions qui doivent être réunies pour assurer le bon déroulement de cette opération, M. Tadinit a affirmé que « la maîtrise des dépenses publiques est la meilleure voie pour maitriser ce financement», avant de souligner que le déficit enregistré concerne le budget d'équipement et non celui de la gestion, et de ce fait, « il faut dépenser dans des projets à forte rentabilité», a-t-il souligné.
Dans son exposé sur les causes du déficit budgétaire enregistré actuellement, le directeur du Trésor public a indiqué que le recul des cours de pétrole depuis le 2e semestre de 2014 a fortement impacté la baisse des recettes financières du Trésor public, notamment les recettes de la fiscalité pétrolière.
En dépit de cette situation, le gouvernement a poursuivi ses efforts en matière d'investissement public pour le développement, en vue de maintenir le taux de croissance économique à un niveau acceptable et préserver les emplois, ce qui a entraîné l'augmentation du taux de déficit, a-t-il soutenu.
Pour couvrir ce déficit, M. Tadinit rappelle qu'un ensemble d'outils monétaires et financiers ont été employés en vue de mobiliser des ressources supplémentaires, y compris les fonds pour le paiement des intérêts de la Banque d'Algérie (BA) au profit du Trésor public (610 milliards de DA en 2015 et 919 milliards de DA en 2016) et les avances de la BA au profit du Trésor public (276 milliards de DA en 2015 et 280 milliards de DA en 2016), ainsi que les fonds recouvrés dans l'opération de l'Emprunt obligataire de la croissance économique (580 milliards de DA), outre un prêt de 105 milliards de DA, contracté auprès de la Banque africaine de développement (BAD).
Le recul des recettes financières et la poursuite des dépenses publiques à un niveau élevé a généré le recours à l'épargne du Fonds de régulation des recettes (FRR) pour couvrir le déficit budgétaire, a ajouté le même responsable qui souligne dans son exposé que le montant des fonds prélevés du FRR était comme suit: 1.132 milliards de DA en 2013, 2.965 milliards de DA en 2014, 2.886 milliards DA en 2015, 1.387 milliards en 2016, et ce après avoir utilisé ce qui restait soit 784 milliards de DA au début de l'année 2017.
Les exonérations fiscales au profit des investisseurs coutent au trésor près de 220 milliards de dinars annuellement
Au terme de l'exposé de M. Tadinit, les interventions des membres de la Commission des finances et du budget, ont été centrées sur le volume des fonds qui seront mobilisés après l'entrée en vigueur du mécanisme de financement non conventionnel, le taux d'inflation prévu, les garanties du trésor quant à la maitrise de ces fonds, les pertes subies par le trésor en raison des exonérations fiscales, les taux d'intérêts bonifiés accordés aux investisseurs et sur le recouvrement des crédits accordés par l'Algérie à des pays étrangers.
Répondant à ces interrogations, le directeur général du Trésor public a indiqué que les pertes en fonds, dues principalement aux exonérations fiscales, aux taux d'intérêts bonifiés sur les crédits bancaires accordés par l'Etat aux investisseurs publics et privés et aux micro-entreprises crées par des jeunes en vue de relancer et soutenir l'investissement, sont évaluées annuellement entre 210 et 220 milliards de DA, des pertes qui pourraient s'élever en 2018 à 300 milliards de DA.
S'agissant du montant des fonds mobilisés par le mécanisme du financement non conventionnel, M. Tadinit a indiqué que le montant précis n'a pas encore été fixé, avant de relever que le Premier ministre a enjoint les walis au niveau local de procéder à une évaluation de tout ce qui doit être financé à court terme, ce qui permettrait, selon le même responsable, de définir le montant réel des besoins.
M. Tadinit a affirmé, par ailleurs, en réponse à des lectures prévoyant une inflation après l'entrée en vigueur du financement non conventionnel, que les fonds mobilisés en vertu de ce mécanisme seront affectés au budget d'équipement soit pour la réalisation de projets, tandis que les fonds de la fiscalité ordinaire seront affectés à hauteur de 75% au financement des dépenses de gestion, un taux qui devrait -selon le même responsable- atteindre 85% en 2018, ce qui évitera l'injection de fonds pour le règlement des salaires des fonctionnaires et permettra de réduire les risques d'inflation.
S'agissant des garanties du financement non conventionnel, le directeur général du Trésor public a affirmé que la seule «garantie est la diversification de l'économie nationale», soulignant la nécessité d'augmenter les taux d'intérêts auprès des banques en vue de drainer les capitaux et lancer la finance islamique pour attirer les épargnes et augmenter le volume des liquidités à même d'améliorer la situation financière du pays.
A une question sur le recouvrement par l'Algérie de ses crédits auprès des pays étrangers, M. Tadinit a indiqué que l'opération se déroulait en fonction de ce qui a été conclu, citant l'exemple du crédit accordé par l'Algérie à Cuba qui «s'acquitte de sa dette selon les termes convenus dans l'accord».
Quant aux acomptes versés aux Trésor public par la banque d'Algérie, (276 milliards de dinars en 2015 et 280 milliards de dinars en 2016), M. Tadinit a affirmé qu'ils ont été remboursés par le Trésor public à la Banque d'Algérie dans les délais prévus.
La commission des Finances et du Budget de l'APN présentera son rapport sur le projet de loi complétant et amendant l'ordonnance relative au crédit et à la monnaie avant de le soumettre aux députés de l'APN pour examen et adoption.