France: Adoption d'un article de loi controversé limitant la diffusion d'images de policiers

L'Assemblée nationale française a voté vendredi soir la mesure la plus controversée d'une proposition de loi dite de "sécurité globale", qui limite la diffusion d'images de policiers en opération, après avoir obtenu des garanties du gouvernement sur le "droit d'informer".

Cette disposition est considérée par les médias et les défenseurs des droits de l'Homme comme une possible entrave au droit à l'information. Dans plusieurs villes de France, des milliers de manifestants ont dénoncé une "loi liberticide".

"L'équilibre est réaffirmé entre la liberté d'informer et la protection des forces de l'ordre", a affirmé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, lors d'un débat houleux à l'assemblée. Le gouvernement a précisé l'article litigieux, qui punit d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" des forces de l'ordre en intervention quand elle porte "atteinte" à leur "intégrité physique ou psychique".

Un amendement gouvernemental adopté vendredi par l'assemblée, par 146 voix contre 24, précise que la mesure ne peut porter "préjudice au droit d'informer", et souligne que l'intention malveillante contre les forces de l'ordre doit être "manifeste".

Les élus de gauche et certains élus du parti centriste MoDem, pourtant alliés de la majorité présidentielle, avaient proposé de supprimer l'article litigieux.

La Défenseure des droits Claire Hédon avait réclamé vendredi "le retrait" de cet article qu'elle juge "inutile" et potentiellement nuisible au contrôle de l'action des policiers et gendarmes.

La nouvelle loi sur la "sécurité globale" visait surtout, initialement, à étendre le champ d'action des polices municipales et à mieux structurer le secteur de la sécurité privée.

Mais le mois dernier, la majorité parlementaire du président Emmanuel Macron avait dopé le texte avec de nouvelles mesures sécuritaires destinées à répondre aux récriminations des syndicats policiers, qui se plaignent de menaces et agressions de plus en plus fréquentes.

Les syndicats de journalistes, la Ligue des droits de l'Homme ainsi que des associations de défense des auteurs, avaient appelé à des rassemblements de protestation.

Ils dénoncent une mesure qui s'appliquera non seulement aux médias mais à tout citoyen qui photographiera ou filmera une opération policière.

Selon Marie-Françoise Barboux, bénévole à Amnesty international, les rapports de l'ONG sur les violences policières "sont basés en grande partie sur les reportages et vidéos de journalistes et simples citoyens. Il y a un déni du gouvernement face à ces violences. Là, on va vers la censure".

Pour les défenseurs du texte, il s'agit de "protéger ceux qui nous protègent", les forces de l'ordre, confrontées à une montée de la défiance voire de la violence. L'un des co-rapporteurs, Jean-Michel Fauvergue, ex-patron de l'unité policière d'élite Raid, a déploré une "guerre des images" que "l'autorité, l'Etat en particulier, est en train de perdre" face à la multiplication des dénonciations de violences policières.

Un rassemblement est prévu samedi après-midi, place du Trocadéro à Paris, à l'appel d'organisations de journalistes, syndicats et collectifs de défense de droits humains.

Les forces de police françaises ont été pointées du doigt en particulier pour les méthodes brutales utilisées dans les manifestations et pour des arrestations arbitraires, ciblant en particulier les minorités noires et maghrébines.

Des centaines de plaintes ont ainsi été déposées contre la répression policière lors des manifestations des "gilets jaunes" en 2018.

 

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