L'armée burkinabè poursuivait mardi ses consultations pour former un régime de transition qui pourrait être dirigé par un civil après la démission du président Blaise Compaoré sous la pression de la rue, au moment où la communauté internationale exerce des pressions pour un transfert du pouvoir.
Le lieutenant-colonel Isaac Zida, nommé par l'armée pour assurer le pouvoir de transition dans le pays, a rencontré dans la matinée le Mogho Naba, le "roi" des Mossis, la principale communauté du pays, à qui il a réitéré, mais de manière plus claire, sa promesse de la veille d'une transition "dans un cadre constitutionnel", dirigée par une personnalité consensuelle.
Le lieutenant-colonel Zida, entouré d'une demi-douzaine de militaires, selon un correspondant de l'AFP, a rendu visite au Mogho Naba, chef respecté de la plus importante communauté burkinabè, qui l'a reçu avec à ses côtés l'archevêque Philippe Ouédraogo et l'imam Sana, le chef de la communauté musulmane.
"Ils sont venus nous dire qu'ils vont remettre le pouvoir aux civils.
Nous les avons encouragés à aller dans ce sens. Le pays doit retrouver la quiétude et la paix afin d'envisager son développement", a déclaré le Mogho Naba après l'entretien.
Dans la matinée, les rues de Ouagadougou, la capitale burkinabè étaient à nouveau pleines de monde. Les vendeurs de rue étaient à pied d'œuvre, sous un soleil de plomb dès le matin, selon la même agence.
Lundi, le grand marché de la ville, centre névralgique du commerce, avait rouvert, ainsi que les banques et les écoles, après presque une semaine de fermeture, signalant un retour à la normale.
Pressions internationales pour un transfert du pouvoir aux civils
Le S.G des Nations Unies, Ban Ki-moon a exhorté les autorités au Burkina Faso à respecter les droits de réunion et de manifestation pacifique et à protéger le droit à la vie et le droit de propriété.
Le chef de l'ONU "note que des consultations ont lieu entre les militaires et les partis d'opposition, des membres de la société civile, des dirigeants traditionnels, ainsi que la communauté diplomatique", a indiqué son porte-parole, Stéphane Dujarric, lors d'un point de presse à New York.
"Le secrétaire général demande à nouveau à toutes les parties d'exercer la retenue et souhaite que le dialogue actuel débouche sur un accord portant sur un arrangement de transition pacifique qui facilitera la restauration de l'ordre constitutionnel dans le pays", a-t-il ajouté.
Une délégation conjointe des Nations Unies, de l'Union africaine (UA) et de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'est rendue dans le pays du 31 octobre au 1er novembre.
Le représentant spécial du secrétaire général pour l'Afrique de l'Ouest, Mohammed Ibn Chambas, consulte également des dirigeants régionaux et va retourner dans la capitale burkinabè pour continuer à discuter avec toutes les parties prenantes, selon le porte-parole du secrétaire général.
Mardi, l'UA a désigné l'ancien Premier ministre togolais, Edem Kodjo, comme envoyé spécial de l'UA pour le Burkina Faso.
La présidente de la commission de l'UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, a précisé dans un communiqué que la désignation de M. Kodjo s'inscrit "dans le cadre des efforts de l'UA visant à faciliter le règlement de la crise que connaît le Burkina Faso, notamment à travers la mise en place rapide d'une transition civile, démocratique et consensuelle devant déboucher sur la tenue, le plus tôt possible, d'élections libres régulières et transparentes".
"M. Kodjo coordonnera à cet effet les efforts conjoints de l'UA, de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), des Nations Unies et d'autres acteurs internationaux concernés", ajoute l'UA.
Jusqu'à présent silencieuse, la France, principal allié international du Burkina Faso, est sortie de sa réserve dans la nuit de lundi à mardi en exigeant un transfert rapide du pouvoir aux civils, contrairement à Washington, autre allié privilégié qui a réclamé dès dimanche un retour du pouvoir aux civils.
Il faut "faire en sorte que des élections puissent avoir lieu", et "pour qu'elles puissent se tenir, il faut que ce soit un pouvoir civil qui puisse le faire, ce qui normalement doit être mené à bien dans les prochaines heures", a déclaré le président français François Hollande en déplacement au Canada.
L'opposition rencontre les représentants de la médiation tripartite
A Ouagadougou, les chefs de l'opposition rencontraient mardi les représentants de la médiation tripartite conduite par l'ONU, la Cédéao -l'organisation régionale de l'Afrique de l'Ouest- et l'Union africaine (UA).
La médiation tripartite avait, à l'instar de Washington, réclamé dès dimanche une transition civile. L'UA s'est prononcée à son tour lundi, donnant "deux semaines" aux militaires pour rendre le pouvoir aux civils.
Evoquant un "certain nombre de concertations en cours" sur la mise en place d'un régime de transition, le chef de file de l'opposition Zéphirin Diabré a déclaré : "Il faut voir quel modèle est adapté à la situation et au contexte".
L'opposition a exigé ces derniers jours que la direction de la transition revienne à un civil, mais ne semble pas opposée à ce que des militaires participent au nouvel exécutif.
La semaine passée, Ouagadougou a connu une insurrection populaire qui poussé à la démission vendredi du président Blaise Compaoré, après 27 ans au pouvoir. Celui-ci voulait modifier, pour la troisième fois, la Constitution, pour se maintenir en poste, ce qui a provoqué l'embrasement de la rue.
Les militaires avaient immédiatement suspendu la Constitution, qui prévoit que c'est au président de l'Assemblée nationale qu'il revient d'assurer l'intérim du pouvoir. Ils avaient aussi dissous l'Assemblée, dont le président, très proche de M. Compaoré, reste d'ailleurs "introuvable".