Les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN) ont été unanimes à affirmer que l'aboutissement du plan d'action était tributaire du degré de respect des conditions et garanties accompagnant la mise en œuvre des nouvelles mesures décidées dans les domaines financier et économique en général pour faire face à la conjoncture économique actuelle.
Les députés ont indiqué, au troisième et dernier jour du débat du Plan d'action du gouvernement, présenté par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, que les mesures financières prévues devraient respecter plusieurs conditions.
A cet effet, le député Smail Benhamadi (RND) a estimé que l'élaboration du plan d'action du gouvernement sur la base du financement non conventionnel pourrait avoir des répercussions négatives sur l'économie nationale, appelant à respecter certaines conditions pour sa réussite.
Parmi les conditions proposées, M. Benhamadi a insisté sur l'importance de l'encadrement rigoureux des besoins financiers exprimés par le Trésor public envers la Banque d'Algerie (BA), en fixant les montants réels des exigences de la conjoncture actuelle.
Il a insisté sur la nécessité de créer des commissions spécialisées chargées du suivi du mouvement des fonds entre les deux institutions, rappelant que la réussite de cette mesure était tributaire de la rationalisation des dépenses publiques et de l'amélioration du rendement, à travers la lutte contre les dépenses inutiles pour l'économie nationale et par la même " la révision du financement de certaines instances et organisations non productives".
Le député Benhamadi a souligné, à l'instar d'autres députés, impératif d'optimiser le rendement de la fiscalité, à travers élargissement de l'assiette fiscale, la modernisation du système fiscal, la lutte contre évasion fiscale et la rationalisation de la politique incitative basée sur les exonérations fiscales, adoptées actuellement en vue d'encourager l'investissement.
La députée Khadidja Serraj du même parti, a appelé à la promotion du partenariat entre les secteurs public et privé, partant du dégel des projets importants et leur adoption par le Conseil des participations de l'Etat (CPE) et l'absorption des fonds qui circulent sur le parallèle à travers la création de banques islamiques, au sein du projet d'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit.
Le député Mohcine Belabès (RCD) a mis en garde contre le financement non conventionnel qui ouvre la voie à une hausse effrénée des prix.
Il a mis en exergue les répercussions négatives de l'impression de billets de banques sur la production nationale, précisant que "l'impression et la circulation de la monnaie qui est un outil d'échange doivent répondre aux capacités de production du pays".
Le pays a grandement besoin d'une restructuration à tous les niveaux et dans différents domaines, à travers un respect rigoureux des marchés publics et la lutte contre toute forme de népotisme caractérisant les opérations d'octroi des licences d'importation, a-t-il ajouté.
Bureaucratie et rente entravent l'activité des entreprises
La lutte contre la bureaucratie et le système de la rente qui entravent la création de nouvelles entreprises et affaiblissent celles en activité est à même de mener à bon port le Plan d'action du Gouvernement.
L'intervenant s'est interrogé sur les domaines qui feront l'objet de dépenses à la faveur des recettes accumulés par le recours à l'impression des billets de banque.
Le député Mohamed Azeiz du Mouvement populaire algérien (MPA) estime nécessaire de s'adapter à la situation financière actuelle et d'ancrer le soutien à l'investissement par des règles rigoureuses en orientant l'investissement public vers les projets productifs outre la clarification de la stratégie de suivi des projets de développement et de leurs objectifs en vue d'examiner les effets du recours au financement non conventionnel avec "précision".
Mise en place d'une commission d'experts et recours à la finance islamique
Le député Seddik Chihab du Rassemblement national démocratique (RND) a préconisé la mise en place d'une commission d'experts au niveau de la Banque centrale chargée du suivi des modalités de dépense des fonds injectés dans le Trésor, soulignant que cette mesure permettra de rééquilibrer le Trésor public en procédant au payement de la dette intérieure et au financement du Fonds national d'Investissement (FNI).
La création de la commission d'experts permettra à certaines entreprises d'importance économique dans le pays de poursuivre leurs activités, dont les groupes "Sonatrach" et "Sonelgaz".
L'intervenant a fait savoir que cette mesure, la "moins couteuse" pour l'Etat, permettra à la Banque centrale d'octroyer des crédits au Trésor et de payer les dettes de certaines entreprises ayant un rôle stratégique pour l'économie nationale.
Ces mesures devraient être accompagnées, a-t-il dit, de réformes profondes dans la fiscalité, le financement du Trésor, la qualité, la maîtrise, la réduction des dépenses publiques et l'augmentation de la production. Il s'agira également de l'examen d'une loi sur la finance islamique à travers la création de banques islamiques à l'effet d'encourager les citoyens à déposer leurs fonds auprès des banques et faciliter leur insertion dans le domaine de l'investissement, a-t-il ajouté.
Le député Othmane Maazouz du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) s'est demandé "si les auteurs du Plan d'action et les législateurs étaient conscients des missions qui leur sont assignées et des dangers qui guettent le pays". Il a estimé dans ce sens que la révision de la loi sur la monnaie et le crédit conduira inéluctablement à l'inflation, ce qui se répercutera directement sur le pouvoir d'achat du citoyen en l'absence d'une vision globale pour faire face à la crise. A cela s'ajoutent un déficit récurent dans le budget, l'augmentation des dettes publiques, la faiblesse de l'activité économique et l'entrave de certains projets d'investissement dans plusieurs wilayas, a indiqué le député.
Pour sa part, le député Djamel Ghighane du RND a évoqué l'importance de l'élargissement du marché financier local à travers l'absorption des fonds non déposés auprès des banques et la prise de mesures incitatives pour les orienter vers le marché officiel estimant que le non recours à l'endettement extérieur exigeaient des mesures rapides et efficaces.
Mme Nabila Biyaza du Mouvement populaire algérien (MPA) considère que l'administration entravait les investissements productifs, ce qui se répercute directement sur l'économie nationale et les investisseurs.
L'intervenante a mis l'accent sur l'importance de lutter contre la bureaucratie, la corruption administrative dans le domaine de l'investissement, le népotisme et le régionalisme à travers le contrôle des projets et de l'administration.
Appel à l'égalité des chances entre hommes d'affaires
De son côté, le député et président du groupe parlementaire MSP-FC, Nacer Hamdadouch, a plaidé contre la minorité des hommes d'affaires monopolisant les crédits, les privilèges, les exonérations en leur faveur sans aucune égalité des chances et sans qu'ils n'apportent de valeur ajoutée réelle à l'économie nationale.
"l'importation" et "l'endettement extérieur" ne menaceraient pas l'indépendance financière et la souveraineté économique du pays, si les capacités sont orientées vers la production et l'investissement et "non vers le pillage et la consommation", a précisé M. Hamdadouche, soulignant qu'il s'agissait d'une crise de mauvaise gestion des ressources financières et humaines du pays, de corruption et de détournement de fonds publics et de devise, outre la destruction de la production nationale au profit des barons de l'importation.
Pour sa part, Le député Lakhder Bnekhelaf (Union Ennahda-Adala-Bina), a affirmé que l'adoption de mesures coercitives dans le traitement des dossiers relatifs à l'évasion fiscale et la poursuite des trafiquants et fraudeurs, particulièrement ceux qui se croient "au dessus de la loi", était une solution urgente qu'il fallait prendre en considération.
M. Benkhelaf a appelé au recouvrement des dettes octroyés sans garanties à l'époque de l'aisance financière, ajoutant que le plan d'action du Gouvernement portait sur la relance des réformes profondes sur le système bancaire afin de rétablir la confiance entre la banque et le citoyen en vue de convaincre ce dernier à recourir aux canaux officiels pour le dépôt de ses fonds.
Plusieurs questions ont été abordées par les députés, dont la modernisation du secteur agricole, le renforcement de l'irrigation complémentaire, le développement des industries agroalimentaires, la promotion des structures touristiques, ainsi que l'exploitation de la biodiversité que recèle le pays et l'activation de la numérisation au niveau de tous les secteurs.
Les 290 interventions programmées des députés se poursuivent mardi soir. La journée de jeudi sera consacrée aux réponses du Premier ministre et au vote du Plan d’action du Gouvernement.