L’émission L’Invité de la rédaction de la Chaine 3 de la Radio Algérienne a reçu, dimanche matin, le Professeur Chehat Fouad, ancien directeur de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), venu exposer les conclusions du Rapport national sur la sécurité alimentaire, qui sera publié demain.
Dans ce rapport, on apprend que « le nombre de calories consommées par les Algériens est en augmentation », il est même équivalent à ce qui est consommé en Espagne ou au Portugal, mais, « ce sont des calories importées », relève le rapport.
Le Professeur Chehat Fouad cite, en premier lieu, les céréales avec « des importations annuelles qui tournent autour de 6 à 7 millions de tonnes ».
Pour le lait, c’est pareil, « nous savons, dit-il, que malgré les progrès de la production laitière, il faut continuer à importer des quantités croissantes de poudre de lait pour faire l’appoint ».
C’est le cas également des viandes blanches, qui « sont produites grâce à des importations annuelles, de l’ordre de 4 millions et demi de tonnes, de mais, de tourteaux de soja et même de CMV (ndlr, complément minéral vitaminé), qui sont utilisés dans les élevages ». Et donc, ajoute l'invité de la radio Chaine 3, « même si nous n’importons plus de poulet depuis très longtemps, le poulet que nous consommons est à 60% produit grâce à des importations ».
« Un gap difficile à supprimer »
Certes, durant les 20 dernières années, malgré des conditions climatiques défavorables, le secteur de l’agriculture a atteint une croissance moyenne annuelle d’ « un peu plus de 6% », note M. Chehat, mais rapportée aux « 2% de la croissance démographique », cette croissance de l’agriculture, estime-t-il, demeure insuffisante, ce qui fait que « l’écart se creuse toujours plus entre la demande globale des consommateurs et l’offre du secteur ».
« Ce gap, on ne va pas pouvoir le supprimer aisément », avertit M. Chehat.
Déjà qu’aujourd’hui, avec 42 millions d’habitants, nous n’arrivons pas à assurer 80 ou 85% de notre consommation. Qu’en sera-t-il en 2050 où nous serons 60 millions d’habitants et 90 millions en 2100 ? Qui va nourrir les Algériens, si on leur laisse l’agriculture dans l’état où elle est actuellement ? S’interroge M. Chehat, qui tire la sonnette d’alarme, en citant notamment la situation « misérable » de la balance commerciale agricole ou agroalimentaire, dont les exportations de produits agricoles ne couvrent même pas 1% de nos importations agricoles.
Les raisons d’une telle situation
Comment expliquer la situation actuelle de l’agriculture, pourtant considérée comme un secteur stratégique depuis l’indépendance ? Qu’est ce qu’on n’a pas su faire ? Questionne la journaliste. « On n’a pas su déployer et coordonner sur le terrain cette stratégie », répond le professeur Chehat qui a insisté à dire que « la sécurité alimentaire » n’est pas l’affaire seulement du ministère de l’agriculture, mais c’est un objectif intersectoriel, qui engage plusieurs ministères (hydraulique, pêche, énergie, santé, intérieur, etc.).
L’invité de la rédaction de la radio Chaine 3 cite, aussi, le non-respect de la méthodologie adoptée dans les textes. « Au lieu de partir des idées des exploitants, eux-mêmes, en a fait le contraire, on leur imposant des solutions souvent inadaptées au contexte agricole locale », s'est-il désolé.
Autre raison avancée, le détournement des terres agricoles à des fins non acceptables, le professeur Chehat rappelle, à cet effet, toutes les constructions réalisées sur des terres agricoles dans la région d’Alger, en violation du plan COMEDOR de protection des terres à vocation agricoles, adopté du temps du défunt président Boumediene, qui recommandait de limiter les constructions de logements aux zones infertiles ou peu propice à l’agriculture, plutôt que sur les plaines. « Or, on a fait exactement l’inverse. Bientôt la Mitidja ne sera qu’un souvenir ! », conclu le professeur Chehat Fouad.